Le traître Maurice Audin |
Le quotidien algérien
d'information «Liberté», dans un article publié le 13.12.2012 et, intitulé «Programme
du séjour de Hollande en Algérie», nous apprend que le 20.12.2012,
ce dernier rendra hommage à Maurice Audin, avec dépôt de gerbe de fleurs.
Ce geste, qualifié de «symbolique» par le journaliste Outoudert
Abrous, ne surprend nullement l'auteur de cet article. En effet, le 06.08.2012,
Josette Audin, épouse de Maurice, avait adressé, depuis Bagnolet, une lettre à
F. Hollande afin qu'il reconnaisse et condamne la «torture», tout en appréciant
le communiqué du 17 octobre 2012 -à propos des manifestations organisées par le
FLN dans Paris, le 17.10.1961-.
« Je crois utile que la France présente des
excuses officielles au peuple algérien...»
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Mme. Josette Audin avait obtenu la nationalité algérienne qu'elle
avait d'ailleurs réclamée. (JOAN du 09.08.1963). Enfin, le 26.03.2012, F.
Hollande avait, à son tour, adressé une longue lettre au président de l'
«Association M. Audin», Gérard Tronel, dans laquelle il tient «à saluer
l'action de votre association qui continue d'agir pour que la vérité soit enfin
reconnue officiellement par l'État... Je crois utile que la France présente des
excuses officielles au peuple algérien...».
Puis, évoquant le sort de M. Audin, «évadé» par
l'armée française, en 1957, il ajoute: «Une des nombreuses «disparitions»,
qui constituent la pire cruauté que l'on puisse infliger aux proches des
suppliciés, privés d'une sépulture permettant de faire leur deuil...».
Personnellement, je pense à tous ceux qui attendent encore tant
d'attention, d'égards, de reconnaissance: vous les soldats de toutes origines
ayant combattu en Algérie, sous les plis du drapeau tricolore, vous les
enlevés, les disparus, les prisonniers civils et militaires que De Gaulle a
abandonnés sciemment -l'Histoire consiste à analyser des actes et à en désigner
les vrais responsables-.
Oui, je pense à vous les «rapatriés» d'Algérie, à vos associations
comme à celles des Harkis qui attendent toujours ce qui pourrait être un baume
à leurs plaies vives, «un apaisement, un calme...la puissance de consolation»,
comme l'écrit Eugénie de Guérin dans son «Journal intime».
Oui, je comprends et partage votre amertume. À ceux pour qui
l'Histoire est devenue très accessoire, je leur propose de faire connaissance
avec:
A Paris, avec Delanoë, la trahison fait toujours recette |
AUDIN Maurice né à Beja (Tunisie), mort à El-Biar (14.02.1932-21.06.1957) - Sa sœur Charlie
épousera en 1947, Christian Buono, enseignant et membre du «PCA». Étudiant en
mathématiques à la faculté d'Alger avec notamment pour professeur René de Possel.
Assistant à la faculté des sciences à Alger. Membre du Parti communiste
Algérien «PCA» depuis 1950, dans la même cellule communiste que Henri Alleg.
Sur les conseils de R. de Possel, il rencontre à Paris L. Schwartz qu'il
souhaitait avoir au jury. Le 24.01.1953, il se marie. En 1956, il aide Larbi
Bouali -militant du «PCA» puis membre du «FLN»- à s'exfiltrer clandestinement à
l'étranger. À partir de 03/1957, H. Alleg le rencontre. Puis début 04 jusqu'au
26.04.1957, il héberge Paul Caballero, membre du «PCA». Puis, il est approché
par André Moine, secrétaire permanent du PCA depuis 1947. Il est arrêté le
11.06.1957 par les parachutistes du 1er RCP du lieutenant-colonel
Mayer, quittant le HLM de la rue Flaubert où il demeurait, vers 23h00. Au
moment de son arrestation, il était le père de 3 enfants dont le dernier avait
un mois. Pro-FLN. Interné au centre d'El-Biar, avec H. Alleg, que visitera le
19.06.1957 le général H. Zeller, membre de la Commission de sauvegarde.
Transféré le 21.06.1957, pour être entendu le lendemain par la police
judiciaire, il tente de s'évader. À
l'initiative de R. de Possel qui exposera la thèse, à la faculté des sciences
de Paris, des mathématiciens, sous la conduite de L. Schwartz et en présence de
F. Seligmann, F. Mauriac, Dixmier, Favard, imposent la soutenance "in
absentia" de sa thèse, le faisant docteur ès-sciences mathématique à titre
posthume, le 02.12.1957 à la Sorbonne, avec la mention "très
honorable". En 1960, le peintre Mohammed Khadda réalise un tableau
abstrait "L'hommage à M. Audin". Au cœur d'Alger, une place porte son
nom. Le 13.05.2003, Florence Beaugé, dans le "Monde", publie un
article "M. Audin". À partir de 2004, il est envisagé de baptiser une
place du quartier latin à Paris dont le maire est B. Delanoë et, cette place
située dans le 5è arrondissement de Paris, est inaugurée le 26.05.2004. Au
centre culturel de Vaulx-en-Velin, dans la banlieue nord de Lyon (Rhône) est
apposée, cette plaque: «Maurice Audin. 14.02.1932 à Beja (Tunisie) 21.06.1957
(Alger). Mathématicien français à l'université d'Alger. Membre du PCA. Militant
de la cause anticolonialiste. Il fut arrêté, torturé et tué par des
parachutistes français car militant de la cause de l'indépendance
algérienne.».
Bibliographie
De J. Verges, M. Courregé, M. Zavrian
"Les disparus", Ed. La Cité, 1959.
De P. Vidal-Naquet "La torture dans la
république", Ed. Minuit, 1972.
De P. Vidal-Naquet "L'affaire Audin,
1957-1978", Ed. Minuit, 1989.
De P. Vidal-Naquet "Face à la raison
d'État", Ed. La Découverte, 1989.
De L. Schwartz "Un mathématicien aux
prises avec le siècle", 1997.
De Paul Aussaresses «Services spéciaux
1955-1957», Ed. Perrin, 2001.
De F. Seligmann "L'espoir et la honte,
Mendes-France, l'Algérie, Mai 68", Ed. Fayrd, 2003.
De Ph. Bourdrel "Le livre noir de la
guerre d'Algérie", Ed. Plon, 2003.
De M. Harbi et B. Stora "La guerre
d'Algérie 1954-2004", Ed. R. Laffont, 2004.
De François Demerliac vidéo «M. Audin. La
disparition», Ed. Montparnasse, 2012.
Michel
Delenclos est chercheur en Histoire et auteur du livre « 19 mars
1962 ?... Waterloo ! », ouvrage consacré aux conséquences et
interprétations des accords d’Évian, préfacé par le Général Maurice Faivre.