L'un des auteurs
présumés d'un attentat à la grenade contre une épicerie juive de la région
parisienne a été tué à Strasbourg samedi lors du démantèlement d'une cellule
islamique radicale, a annoncé le procureur de la République de Paris, François
Molins.
Onze
autres personnes ont été placées en garde à vue à l'issue d'opérations de la
Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) et de la sous-direction
anti-terroriste (SDAT) de la police judiciaire en région parisienne, sur la
côte d'Azur - notamment à Cannes - et dans l'Est de la France.
"C'était
la dernière des personnes ciblées par les opérations d'aujourd'hui",
a-t-on précisé en début de soirée à Reuters de source judiciaire.
Ces
opérations s'inscrivaient dans le cadre d'une enquête pour "association de
malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste" ouverte après le jet
d'une grenade défensive de fabrication yougoslave dans une épicerie juive de
Sarcelles (Val-d'Oise) le 19 septembre. Un client avait alors été blessé.
"Ces
investigations ont permis de mettre à jour un réseau, je dirais quasiment une
cellule", a expliqué François Molins.
Outre
l'homme de 33 ans abattu et dénommé Jérémie Louis-Sidney, l'enquête a permis
d'identifier d'autres personnes, domiciliées principalement à Paris,
Strasbourg, en Seine-et-Marne et dans les Alpes-Maritimes, en particulier à
Cannes.
"Toutes
ces personnes, nées en France et de nationalité française, sont en lien avec la
mouvance radicale islamiste" et ont été interpellées samedi, a déclaré le
procureur de Paris.
Elles
sont nées dans les années 1980-1990 et pour certaines, au moins, récemment
converties à l'islam. Mais rien ne laisse penser à ce stade qu'une ou l'autre
d'entre elles auraient déjà combattu à l'étranger, de même que pour Jérémie
Sidney.
Selon
son collègue de Strasbourg, Patrick Poirret, Jérémie Louis-Sidney était l'un
des deux auteurs présumés de l'attentat de Sarcelles et la principale cible de
la SDAT et de la DCRI. C'est donc par lui que devait débuter les interpellations.
CONDAMNÉ
POUR TRAFIC DE STUPÉFIANTS
"Jérémie
Sydney est celui dont l'empreinte ADN a été identifiée sur la cuillère de la
grenade lancée dans l'épicerie juive", a confirmé à Paris François Molins
Ce
délinquant déjà condamné pour trafic de stupéfiants et converti à l'islam
radical était "particulièrement déterminé", a précisé Patrick Poirret
lors d'une conférence de presse. "Il s'était rasé la barbe. C'est,
paraît-il, un signe de passage à l'acte et de volonté de mourir en martyr."
Il
était établi dans le Sud de la France mais avait des attaches familiales du
côté de Torcy, en Seine-et-Marne, où un homme armé d'un pistolet 22 LR prêt à
tirer a été arrêté lors de l'opération de samedi alors qu'il revenait d'un lieu
de prières.
Il
était depuis quelques jours à Strasbourg, où il était venu voir l'une de ses
deux compagnes, âgée de 22 ans, semble-t-il convertie à l'islam et mère d'un
nourrisson d'un mois dont il était le père, dans le quartier de l'Esplanade,
derrière le campus universitaire de la capitale alsacienne.
Lorsque
la police a forcé à 06h00 la porte de l'appartement situé au quatrième étage
d'un immeuble qui en compte neuf et décrit comme calme, il y avait aussi une
fillette de six ans, née semble-t-il d'un autre père.
À
leur arrivé, "les policiers de la brigade de recherche et d'intervention
(BRI) se sont trouvés face à un individu debout, arme au poing, qui a ouvert le
feu" et a vidé le barillet de son révolver de fort calibre, un magnum 357,
a dit Patrick Poirret.
Quatre
hommes de la BRI ont riposté et blessé mortellement Jérémie Louis-Sidney.
UN
POLICIER BLESSÉ
Un
policier a reçu des projectiles dans son gilet pare-balle au niveau du thorax
et dans le casque et souffre d'une commotion au niveau du torse mais sa vie
n'est pas en danger. Deux autres policiers n'ont été que "frôlés" par
des projectiles.
Une
enquête a été ouverte sur les conditions d'ouverture du feu sur Jérémie
Louis-Sidney, a précisé Patrick Poirret.
Selon
le procureur de la République de Paris, cet homme était connu de la DCRI depuis
le printemps 2012 mais n'avait jamais été entendu par elle. "Il
appartenait à un groupe soupçonné, mais sans certitude, de vouloir rejoindre
les terres du djihad", a ajouté François Molins.
Trois
des personnes placées en garde à vue ont, comme, lui des casiers judiciaires,
pour faits de trafic de stupéfiants, de vol ou de violence, a précisé le
procureur de Paris.
Des
perquisitions ont permis la découverte d'élément confirmant l'appartenance d'au
moins certains membres du groupe à la mouvance djihadiste, dont un exemplaire
d'une publication d'Al Qaïda, plus de 27.000 euros en espèces, des munitions,
une liste d'associations juives de la région parisienne, des testaments et du
matériel informatique, a-t-il ajouté.
Jérémie
Sidney avait lui-même rédigé un testament.
François
Hollande a reçu samedi le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, pour discuter
des opérations antiterroristes lancées le matin, a déclaré l'Élysée dans un
communiqué.
"Le
président de la République a confirmé la détermination entière de l'État à
protéger les Français contre toutes formes de menaces terroristes", a
précisé la présidence.
Selon
le communiqué, le chef de l'État "a salué l'action de la police et demandé
au ministre de l'Intérieur de prendre toutes les mesures de vigilance
nécessaires".
MENACE TERRORISTE
En
déplacement à Lille, dans le Nord, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a
pour sa part décrit "une opération très sérieuse, d'envergure, lancée déjà
depuis plusieurs semaines et qui vise à démanteler des réseaux
terroristes".
Le
ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, a lui évoqué samedi soir sur TF1
l'existence d'une "menace terroriste" en France.
"Cette
menace existe et cet islamisme radical, qu'il ne faut pas confondre,
évidemment, avec l'islam de France, se nourrit de fantasmes, de haine à l'égard
de notre pays, à l'égard des juifs de France", a-t-il insisté.
"Et
donc il faut être conscient de cette menace (...) qui se nourrit aussi d'un
contexte géopolitique", a-t-il ajouté. "Il s'agit-là de mettre hors
d'état de nuire des terroristes, des apprentis terroristes qui passent à l'acte
et qui peuvent passer à l'acte à tout moment."
Manuels
Valls a estimé que la difficulté de lutter contre ces réseaux provenait du fait
qu'ils ne venaient pas de l'extérieur.
"Il
s'agit de réseaux qui sont dans nos quartiers, il s'agit de Français, de
Français convertis, de Français musulmans", a souligné le ministre de
l'Intérieur.
Avec
Reuters