Le gouvernement, par la
voix de Najat Vallaud-Belkacem, a exprimé mardi ses "doutes" sur la
mise en application pour les municipales de 2014 du droit de vote des étrangers
extra-communautaires aux scrutins locaux, une réforme emblématique pour la
gauche, promise par le chef de l'État.
Il
s'agit de l'un des 60 engagements de campagne de François Hollande.
À
la mi-septembre le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait déclaré qu'un
projet de loi serait présenté en 2013 et précisé "rechercher au Parlement
une majorité des trois cinquièmes", semblant ainsi écarter le recours à un
référendum.
Interrogée
mardi sur la possibilité que la réforme soit en vigueur pour les élections
municipales de 2014, qui est la prochaine grande échéance, la porte-parole du
gouvernement a fait part de ses "doutes".
"J'avoue
avoir quelques doutes parce que cela signifierait que nous adoptions le texte
d'ici le printemps 2013", a déclaré Mme Vallaud-Belkacem à
Public-Sénat/Radio Classique. "Aujourd'hui, il est prématuré de parler
d'un calendrier, y compris pour répondre sur la question de 2014".
Toutefois
"ce n'est pas totalement exclu si nous sentions que l'opportunité se
présentait et les esprits étaient prêts", a-t-elle nuancé.
Pour
la ministre, ce qu'ont dit le président et le Premier ministre, "c'est
qu'il fallait créer les meilleures conditions avant d'ouvrir ce débat"
c'est-à-dire "dépassionner les choses pour éviter que l'on reparte dans la
caricature et la stigmatisation permanentes".
L'UMP,
régulièrement accusée par le PS de "droitiser" son discours sur fond
de bataille Copé-Fillon pour la présidence du parti, a lancé mi-septembre une
pétition contre le droit de vote des étrangers, qui totalise 186.778 signataires
à ce jour.
CETTE
« RÉFORME » NÉCESSITE UN CHANGEMENT DANS LA CONSTITUTION
Serpent
de mer de la vie politique depuis 30 ans, cette
réforme nécessite de changer l'article 3 de la Constitution qui dit que les
électeurs sont les nationaux français majeurs. Les ressortissants de l'UE
peuvent déjà voter aux municipales depuis une loi de 1998 mais ne peuvent être
maire ou adjoint ni participer à l'élection des sénateurs.
Sur
leur gauche mais aussi de la part de leurs alliés écologistes, les socialistes
sont soumis à des pressions sur ce sujet. Jean-Vincent Placé, chef de file des
sénateurs EELV, a dit mardi souhaiter un "engagement ferme" de
Jean-Marc Ayrault, et qu'un projet de loi soit adopté par le Parlement "au
moins au premier trimestre 2013".
En
outre, le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a aussi donné de la voix
pour rappeler l'importance de ce marqueur de "gauche".
"L'honneur
de la gauche est aujourd'hui de tout mettre en œuvre pour faire adopter avant
mars 2013 cette réforme de justice et de cohésion sociale, afin qu'elle soit
applicable aux élections municipales de mars 2014", a-t-il écrit sur son
blog. Son entourage a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une réponse à la
ministre.
"La
perspective d'un vote négatif du Parlement, où une majorité des 3/5e sera
requise, loin de nous paralyser, doit nous galvaniser, pour convaincre un par
un par un les parlementaires", a ajouté l'édile parisien, ni député, ni
sénateur.
"Comme
l'abolition de la peine de mort en 1981, cette réforme n'est pas sans
difficulté, ni sans danger pour celles et ceux qui oseront la conduire", a
fait remarquer M. Delanoë, "mais comme en 1981, ils pourront compter sur
le soutien des forces progressistes partout dans le pays". Et de conclure:
"il ne nous est pas interdit d'échouer, il nous est interdit de ne pas entreprendre".
Autrement
dit, de peur de devenir encore plus impopulaire, le gouvernement hésite à se lancer dans cette « réforme » même
si son aile gauche pousse à la roue. Mais personne n’envisage un recours au
référendum qui donnerait directement la parole au Peuple. Les parlementaires
préfèrent rester… entre parlementaires.
Pensez donc : l’avis
du Peuple, c’est dangereux !
Avec
AFP