HISTOIRE
« Les moralistes
ressemblent aux chimistes. Ils préparent des remèdes pour les autres, et s’en
servent rarement. » (Pigault-Lebrun – « L’homme à
projets »)
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Saïl
Aïssa Ould Laïd découpé vivant par le
FLN parce-qu'il
travaillait chez des Européens (26 janvier 1956).
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D
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ans le
premier tome de ses Mémoires (éditions Muller) récemment paru,
Jean-Marie Le Pen évoque, de nouveau, la pratique de la torture durant la
guerre d’Algérie. Il n’en fallut pas plus à certains journalistes, emmitouflés
dans leur bure de moralistes, de s’intéresser soudainement à « la question »,
dans l’attente de la petite phrase scandaleuse bien juteuse qui les
propulserait aux nues de la gloire médiatique.■
S
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ur cette torture pratiquée
–on l’oublie trop souvent- dans le but exclusif d’obtenir des renseignements
permettant la mise hors d’état de nuire de dangereux criminels ou visant à
neutraliser des bombes prêtes à exploser, JMLP s’explique :
« L'armée
française revenait d'Indochine. Là-bas, elle avait vu des violences horribles
qui passent l'imagination et font paraître l'arrachage d'un ongle pour presque
humain. (…) Cette horreur, notre mission était d'y mettre fin. Alors, oui,
l'armée française a bien pratiqué « la question » pour obtenir des
informations durant la bataille d'Alger, mais les moyens qu'elle y employa
furent les moins violents possibles. Y figuraient les coups, la gégène et la
baignoire, mais nulle mutilation, rien qui touche à l'intégrité physique.»
Le 26 février, Interrogé au
micro de RTL sur son éventuelle participation à la torture si on le lui avait
ordonné, il répondait :
« Sans
doute. J'aurais fait mon devoir, préférant la vie d'une petite fille
innocente à celle d'un tueur qui pose la bombe. Les consignes qui étaient
données étaient d'éradiquer à n'importe quel prix la menace terrible que
faisait peser le terrorisme, qui a fait des centaines de morts, de blessés et
de mutilés, dont personne ne parle. Et c'était justement à la recherche de ces
réseaux de bombes qu'un certain nombre de procédés ont été utilisés, beaucoup plus
humains que de déchiqueter les jambes d'une petite fille. »
Il n’en fallut pas plus pour
que cette justification de la torture entraînât la réaction d’un
journaliste : « Comme à
son habitude, le président d’honneur du Front national s’est fait remarquer par
des propos particulièrement polémiques. »
EN QUOI CES PROPOS SONT-ILS
« POLÉMIQUES » ?...
D
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ans « Mille et une pensées », Philippe Bouvard
écrivait : « Le propre du
moraliste est de tenir pour immorales les saletés qu’il a toujours rêvé de
faire »… Dans cette guerre sale, bestiale, cruelle et écœurante,
l’ennemi (FLN) n’était pas franc et ne s’embarrassait pas de préjugés… Il était
partout à la fois et on ne le voyait nulle part. Ce n’était pas un adversaire
loyal, ne s’attaquant qu’aux militaires ou à leur matériel ; tout au
contraire, ces terroristes étaient des criminels de droit commun, des gangsters
de l’espèce la plus ignoble, et leur gang avait ses ramifications secrètes dans
toutes les classes de la société française. Il fallait donc agir rapidement et impitoyablement à leur endroit et,
pour cela, utiliser des moyens appropriés, fussent-ils, eux aussi,
révolutionnaires.
Cependant, c’est grâce au
silence et au secret dont ils s’entouraient que ces tueurs pouvaient
opérer et porter les coups les plus dévastateurs. Le secret rompu
permettrait de les interpeller et mettre la main sur les bombes, les armes de
toute sorte, interdirait toute velléité d’attentat. C’était donc au secret qu’il fallait s’attaquer si l’on
voulait éviter un bain de sang…
MAIS COMMENT S’Y PRENDRE ?
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maginons être en face d’un
homme pris alors qu’il vient de déposer une bombe qui, seul, sait en quel lieu,
à quelle heure elle explosera, tuant et mutilant à jamais des dizaines et des
dizaines d’innocents, et si cet homme, s’enfermant dans son secret ne
veut rien dire quand on l’interroge humainement, réglementairement, alors, que
faut-il faire ? Et il faut faire
vite car le temps presse ! Quelque part dans la ville, le tic-tac
s’égrène lentement et c’est pour de nombreuses vies humaines, une question de vie
ou de mort. À tout prix il faut désarmer ce bandit, le
faire parler quels que soient les moyens afin qu’il livre son secret… et
de toutes les méthodes, seule la torture paraît-être la plus efficace et,
surtout, la plus rapide. C’est ça ou se
contenter de relever des innocents déchiquetés par la bombe qui va exploser
dans un instant et de les conduire à la morgue.
En
Algérie, l’armée française dut, pour faire face au danger sans cesse croissant
du terrorisme et afin de le mieux combattre, utiliser les mêmes arguments que
l’ennemi : La torture. Par celle-ci, cependant –et par elle seule- elle
arriva à prévenir le harcèlement imminent d’un poste, l’embuscade tendue à une
patrouille, l’explosion d’une bombe dans un stade, un café ou un cinéma,
l’attaque d’une ferme, l’enlèvement ou l’assassinat d’une personne.
LA CHARITÉ CHRÉTIENNE A BON DOS
O
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n a fait à ce sujet, au
lendemain de la « bataille
d’Alger », le procès de la torture. Si ses plus violents proscripteurs
n’avaient pas été animés, souvent, plus par des arrière-pensées politiques que
par des sentiments humanitaires, leurs appels auraient eu une autre résonance. Mais combien songeaient à condamner en même
temps, et peut-être d’abord, la cause : Le terrorisme ignoble et
aveugle ?
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Têtes coupées par le FLN et sexe dans
la
bouche car Amis des Français
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Durant ce conflit, les « moralistes à la conscience
pure » n’ont eu de cesse de vilipender les parachutistes français pour
leurs « opérations de police
musclées » lors de cette bataille en leur opposant la « charité chrétienne ».
Mais où est la « charité chrétienne » dans
ces visions apocalyptiques : Visages lacérés où les yeux manquaient, nez
et lèvres tranchés, gorges béantes, corps mutilés, alignements de femmes et
d’enfants éventrés, la tête fracassée, le sexe tailladé dont les tueurs du FLN
se repaissaient avec un plaisir sadique ?
La révolution, la lutte pour
l’indépendance de son pays justifient-elles de telles abominations ? « On dirait que les moralistes ont
envie que les gens soient malheureux, afin de donner respectivement raison à
leurs sentences », écrivait Charles Dantzig dans son « Dictionnaire égoïste de la
littérature française »…
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Civils européens massacrés par le FLN
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Les âmes chagrines disent
que la conscience se révolte au spectacle de certains crimes. Hier, le
FLN ; aujourd’hui, l’État Islamique et ses séides… Dans les deux cas, nous
avons été -et sommes, de nouveau- en présence du plus monstrueux florilège du
crime qui puisse se concevoir. Les images qui représentent les milliers d’hommes
égorgés, les visages mutilés au couteau, les têtes tranchées, les fillettes
violées ou déchiquetées par les bombes, les femmes lapidées ou vitriolés,
reculent les limites assignées à l’horreur. Cependant, ces atrocités, répliques de tant d’autres commises en
Algérie ne révoltent pas les consciences contre les criminels mais contre ceux
qui les pourchassent et tentent de les neutraliser…
La
conscience se corrompt dans ces contradictions parce que pardonnant là
(l’assassin) et condamnant ici (le soldat), elle cesse d’être conscience pour
se faire complice. La supercherie naît
de ce qu’elle continue à se parer des attributs de la conscience et exige
d’être reconnue comme telle. La complicité dissimulée sous le vocabulaire de la
conscience, c’est la subversion. Les mots deviennent fausse monnaie.■
José
CASTANO