ÉCONOMIE
Les nouvelles révélations sur la
désertion fiscale des multinationales et des célébrités ont soulevé une
nouvelle vague d’indignation. Mais les indignations du passé n’ont absolument
rien produit, comme le note Adrien Mathoux dans un bon papier de Marianne.
Car dans l’UE, le ver est dans le fruit, entre des traités qui facilitent ces
pratiques, et la présence de nombres parasites en son sein.■
L’UE, MEILLEURE ALLIÉE DES PARASITES
FISCAUX
L
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a semaine dernière,
Christian Chavagneux, d’AlterEco, soulignait que c’est en Europe que les
parasites fiscaux se sont le plus développés. Pourtant, comme le
note Marianne, ce n’est pas faute que les dirigeants européens, et
notamment français, aient fait de martiales déclarations ces dix dernières
années. Les efforts du G20 sur le sujet n’ont abouti qu’à une liste bidon et
l’OCDE n'a accouché que de mesurettes dérisoires.
L’économiste
Gabriel Zucman évoque « une
optimisation agressive au cœur même de l’Europe, (des pays) attirant des
grandes entreprises et des riches particuliers avec des taux d’imposition très
faibles, qui ne seraient pas venus se domicilier fiscalement chez eux
sinon ».
Laurent HERBLAY |
Comme le note Eric Alt,
vice-président d’Anticor, pour Marianne, « ce qui est très intéressant avec les Paradise Papers, c’est
qu’ils révèlent des faits légaux (…) On s’aperçoit que l’évasion fiscale
interroge la qualité de la règle de droit, et les intérêts derrière sa
fixation ». D’où mon parti-pris, malheureusement très isolé pour
l’instant, de parler de vol légal, pour bien signifier que ces pratiques
ne sont pas normales, même si elles sont légales. Ne parler que d’évasion
(d’une prison fiscale) ou d’optimisation revient à amoindrir la critique de ces
pratiques, voir à les légitimer quelque part. Quel dommage que tous ceux
qui se battent sur ce sujet ne fassent pas plus attention à leur vocabulaire !
Comme
le rapporte Emmanuel Lévy de Marianne, Gabriel Zucman, qui juge que
cela est injuste et creuse les inégalités, estime que le seul vol fiscal légal des multinationales porte sur 25% des impôts
dus, 12 milliards par an, une estimation plutôt conservatrice.
DANS L’UE, LES MULTINATIONALES N’ONT QUE
L’EMBARRAS DU CHOIX
J
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’ai tendance à penser que
c’est une fourchette plutôt basse. On peut facilement estimer que Microsoft réduit sa facture fiscale de 80 à
90% en France. Et dans le cas d’Apple, c’est plus de 90% du chiffre
d’affaires réalisé en France qui s’envole comptablement. Sur ces deux seuls
cas, les deux entreprises étasuniennes transforment une facture fiscale proche
de 700 millions d’euros à seulement une quarantaine de millions d’euros !
Il faut dire que l’UE est un
paradis pour de telles manipulations. La liberté de circulation
des produits et des capitaux est totale, tout comme la facturation arbitraire
de services d’une filiale pratiquement basée dans un parasite fiscal pour
diriger le chiffre d’affaires et les profits là où c’est le plus intéressant.
En plus, les multinationales ont un large choix de
parasites fiscaux possible, entre l’Irlande, le Luxembourg, ou les
Pays-Bas, quand ce n’est pas dans des pays plus ou moins périphériques, le
Royaume-Uni et ses îles, ou la Suisse. Bref, loin de combattre ces parasites,
comme le soutient Moscovici, l’UE est en réalité un paradis pour les parasites
fiscaux et ceux qui veulent échapper à l’impôt.
►Ce
faisant, pour qui veut sérieusement, et rapidement vouloir ramener les
entreprises et les plus riches dans le rang fiscal, il est totalement illusoire
d’attendre quoi que ce soit de l’UE, tant le ver est dans le fruit. La seule
solution est une sortie complète et rapide de l’UE, et, comme le notait
Joseph Stiglitz il y a un an, une mise en quarantaine de tous ces parasites.■ Source