Le bon Lafontaine
l’avait déjà écrit bien avant nous.
Un jour deux Pèlerins
sur le sable rencontrent
Une Huître que le flot y venait d'apporter :
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
À l'égard de la dent il fallut contester.
L’huître,
objet d’une convoitise acharnée, c’est évidemment la présidence de l’UMP où les deux
protagonistes voient, peut-être à tort d’ailleurs, l’antichambre de l’élection présidentielle.
Les plaideurs, chacun a reconnu les deux François,
François Copé et François Fillon. On pourrait d’ailleurs appeler cet
épisode charmant « la guerre des deux François ».
Quand
à Georges Dandin, mon Dieu, comment ne
pas le distinguer sous les traits d’Alain Juppé, né malin, rusé, madré. Il espère
bien, en fin de compte, empocher, tout
ou tard la mise, grâce à une affaire qui le place enfin, le destin est
miséricordieux, après tant d’avanies, en position d’arbitre, de vieux Sage, de
Gourou même au sein de l’UMP.
Pendant tout ce bel
incident,
Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin fort gravement ouvre l'Huître, et la gruge.
Il
est loin le personnage d’il y a 15 ans, Monsieur « droit dans ses
bottes », maigre et sec portant beau. Nourri au bon vin de Bordeaux, sa taille s’est épaissie,
son visage empâté. Il ressemble enfin, et pour notre plus grand bonheur, à un radical socialiste bien rassurant, natif de notre bonne vieille
région d’Aquitaine (foie gras, magret de canard, et armagnac).
À
ceci près qu’il a courageusement refusé
de se présenter aux élections législatives, pour mieux préserver ses chances
aux municipales, sans doute parce que les sondages ne le donnaient pas gagnant.
Ce courage politique le désigne tout naturellement pour conduire l’UMP, enfin
rassemblée sous sa houlette, à la
victoire en 2017.
Reste
nos deux gaillards qui risquent fort de faire les frais de cette aventure et de
rester piteusement sur le carreau.
Ce repas fait, il dit
d'un ton de Président :
Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille.
Vous
voyez: tout y est.
Entre
les deux plaideurs, mon cœur balance.
Entre Copé, teigneux, accrocheur et parfois arrogant et Fillon, doux, gentil,
avenant, comment choisir ?
En
fait, il n’y a pas la moindre divergence
politique entre ces deux personnages. Simplement un conflit entre deux
ambitions et deux tempéraments. Mais voilà. Faut-il, pour mener un jour l’UMP à
la bataille, un guerrier, un combattant, parfois insupportable, mais n’hésitant
jamais à prendre des coups, et à en
donner ?
Ou
faut-il préférer une personnalité bien
sympathique, mais un peu molle, une sorte
d’édredon politique en quelque sorte,
bien décidée en tous cas à ne prendre aucun
risque politique. On dit même qu’il aurait décidé de ne pas se présenter à la
Mairie de Paris » de peur de se faire battre. Du Juppé tout cru ! Après
tout, il a été pendant 5 ans le Sancho
Pansa de Nicolas Sarkozy et avalé un nombre incalculable de couleuvres. Il aurait quand même pu en avaler une de plus de
bonne grâce.
Ce
qui surprend un peu est sa réaction un peu rageuse, capricieuse, quasi
féminine pourrait-on dire, à son échec
aux primaires. Une fois il veut rafler la présidence ; le coup d’après, il
n’en veut plus, mais à condition que son rival ne s’en empare pas. Un
comportement de « mauvais perdant »
qui augure mal de ce de ce qu’il pourrait
faire à la tête d’un grand parti.
Quand
un grand quotidien du soir s’attriste,
la larme à l’œil, de voir l’UMP se déchirer à belle dents, il faut y voir, bien
au contraire, une manifestation de la belle santé rageuse d’un grand parti qui
ne veut pas mourir encore. Après tout, à quoi nous a conduit l’unanimité servile
bien rangée derrière Nicolas Sarkozy ? À l’échec. De cette furieuse
empoignade sortiront, peut-être, les germes d’une belle victoire de la droite dans
5 ans.
Quant aux
« cicatrices » dont on parle tant, dans quelque mois, une année au plus,
on n’y pensera plus. « Une nuit de Paris aura effacé tout cela ».
C’est ça la politique.