Malala Yousafzai, 14
ans, a été attaquée, mardi 9 octobre, au Pakistan, par deux hommes armés. Deux
autres écolières ont été blessées. Les médecins sont parvenus ce mercredi à
extraire une balle de l'épaule de la jeune fille, mais elle est toujours dans
un état critique.
L’adolescente
avait publié en 2009, par l’intermédiaire de la BBC, un blog dans lequel elle décrivait
les exactions commises dans sa région par les talibans. Depuis leur
départ, et malgré les menaces de mort, elle militait pour le droit des jeunes
filles à aller à l’école.
« Malala
Yousufzai sok daa ? » Laquelle est Malala ? C’est ce que demandent les
deux hommes armés et masqués qui montent en cette fin d’après-midi dans le bus
scolaire qui attend les jeunes filles, à la sortie de l’école. Nous sommes à
Mingora, la principale ville de la vallée de Swat, dans le nord-ouest du pays.
Une fois leur cible identifiée par des enfants terrorisés, les deux hommes
commencent à tirer, touchent la jeune fille à la tête et à l’épaule et blessent
au passage deux autres écolières, Shazia et Kainat.
Lorsqu’il
revendiquera l’attentat, le Tehreek-i-Taliban Pakistan, le mouvement des
talibans du Pakistan, sera très clair : il frappera à nouveau Malala si elle
survit, précisant : « C’est une
fille à la mentalité occidentale qui passe son temps à nous dénoncer. Quiconque
critiquera les talibans subira le même sort. »
UNE
POPULATION SOUS LE CHOC
L’attaque
a choqué les Pakistanais qui suivent maintenant avec anxiété le sort de la
jeune militante : mardi, dès que la nouvelle a circulé, plusieurs centaines de
personnes se sont spontanément rendues devant l’hôpital où l’écolière devait
être opérée pour donner leur sang.
« Malala
est comme ma fille, comme la vôtre aussi. Si cet état d'esprit prévaut,
laquelle de vos filles sera en sécurité ? » a réagi le Premier ministre
Raja Pervez Ashraf, visiblement ému. L’immense majorité des partis politiques
se sont élevés contre cette tentative d’assassinat, et ce mercredi, en signe de
protestation, les députés pakistanais ont suspendu leurs travaux pour prier et
soutenir la jeune fille. Le chef de l’armée lui-même s’est rendu au chevet de
Malala, condamnant des « actes haineux de terrorisme commis par des lâches ».
Enfin le président Asif Ali Zardari, qui est informé en temps réel de
l’évolution de son état de santé et qui a organisé son éventuel transfert pour
un hôpital à l’étranger, a indiqué que cet attentat n’entamait pas la volonté
du Pakistan de combattre les islamistes, et la détermination du gouvernement à
défendre le droit des femmes à l'éducation.
UNE VOIX
DANS LA VALLÉE DE SWAT
Ce
droit, c’est le grand combat de Malala : elle a neuf ans quand les talibans
prennent le contrôle de la vallée de Swat, en 2007, onze ans lorsqu’elle
commence à tenir un journal publié sous forme de blog par le site en urdu de la
BBC.
Sous
le pseudonyme de Gul Makai, elle y décrit toutes les souffrances causées par
des talibans qui ont instauré la charia dans la vallée et mis en place des
tribunaux islamiques, avec exécutions sommaires et flagellations en public à la
clé. Malala décrit alors la difficulté de vivre au quotidien pour une petite
fille de onze ans, sa famille et ses amis : de l’interdiction pour les femmes
d’aller au marché à l’obligation de porter la burka, en passant par la peur
d’être attaquée à l’acide, la peur d’être kidnappée... Et, le 15 janvier 2009,
l’interdiction pour les filles d’être scolarisée. Elle écrit alors sur son blog
: « Aujourd'hui, c'était notre dernier jour d'école, nous avons donc
décidé de rester un peu plus longtemps dans la cour. Je pense que l'école
rouvrira un jour, mais en partant, j'ai regardé l'immeuble comme si c'était la
dernière fois ». Les talibans détruiront des centaines d’écoles avant
d’être expulsés de la vallée de Swat par l’armée pakistanaise.
LA
MILITANTE
Le
vrai nom de Malala est alors révélé. Soutenue par sa famille, et particulièrement
par son père, un instituteur, elle commence à militer ouvertement pour le droit
des femmes à l’éducation et devient membre du parlement des enfants de la vallée
de Swat. Elle explique aux journalistes qu’elle veut étudier le droit et
devenir une femme politique : « Je rêve d’un pays où l’éducation serait
reine ». L’an dernier, Malala était devenue la première lauréate du « Prix
national pour la paix » créé par le gouvernement pakistanais, un prix qui
récompensait son action courageuse pendant les années de terreur.
Une
terreur que les talibans ont continué à faire peser sur ses épaules malgré leur
départ, la menaçant de mort à plusieurs reprises : pas question qu’elle
continue à être un modèle pour les autres enfants. « Que cela vous serve
de leçon », ont dit les talibans en revendiquant l’attentat. « Allez-y
les gars, soyez de vrais hommes. Tuez une écolière », semble leur répondre
dans un tweet rageur le journaliste Nadeem F. Paracha, connu pour son combat
contre les islamistes.
Plus
largement, pour le quotidien pakistanais The News, cette attaque
illustre parfaitement le danger qui guette le pays : « Malala Yousufzai
est dans un état critique comme le Pakistan. Nous sommes affligés par le cancer
de l'extrémisme et si rien n'est fait pour retirer la tumeur, nous allons
glisser encore davantage vers la bestialité qu’illustre cette dernière atrocité ».
Avec
RFI