Abou
Qatada, qui a une nouvelle fois mis en échec les autorités britanniques en
bloquant son extradition en Jordanie, a quitté mardi la prison de haute
sécurité où il était détenu.
Le
Jordanien, décrit par le gouvernement comme un «individu dangereux» et un temps
considéré comme un relais d'Al-Qaïda en Europe, est sorti peu après 11h de
l'établissement pénitentiaire de Long Lartin (centre) dans un fourgon
noir.Assis à l'arrière du véhicule, le prédicateur à la longue barbe et à
l'imposante stature n'a pas tenté de fuir les caméras et photographes qui
attendaient sa sortie.
Quand
il est arrivé, souriant, à son domicile londonien, l'islamiste a été accueilli
par un petit groupe de manifestants scandant: «dehors, dehors» et brandissant
une banderole avec l'inscription: «Débarrassons-nous d'Abou Qatada».
«Il
ne devrait pas être là, c'est une honte», a souligné une commerçante. «Nous
payons tous pour lui», s'est plaint un voisin.
BRACELET ÉLECTRONIQUE
Selon
le président de la Commission parlementaire des Affaires intérieures, l'affaire
Qatada aurait déjà coûté un million de livres (1,2 million d'euros) aux
contribuables britanniques.
Le
prédicateur est autorisé seulement à sortir entre 8h et 16h. Il doit porter un
bracelet électronique, ne pas se servir d'Internet et s'abstenir de tout
contact avec certaines personnes, aux termes de sa liberté conditionnelle.
Celle-ci
lui a été accordée lundi par la Commission spéciale des recours concernant
l'immigration qui a accepté de bloquer son extradition, estimant que des
témoignages obtenus sous la torture pourraient être utilisés contre l'islamiste
en cas de procès dans son pays.
Son
élargissement a été perçu comme un nouveau camouflet pour les autorités britanniques,
déterminées à faire appel. Le gouvernement jordanien a aussi fait part de sa
«déception», estimant avoir fourni les garanties nécessaires pour assurer à
Qatada un procès équitable.
JAMAIS INCULPÉ
La
Jordanie veut le rejuger dans deux affaires liées à la préparation présumée
d'attentats, qui lui ont valu d'être condamné par contumace dans ce pays à la
perpétuité assortie de travaux forcés en 1998, et à 15 ans de prison en 2000.
Arrivé
en 1993 au Royaume-Uni et arrêté une première fois en 2002, Qatada, 51 ans, a
passé depuis la majeure partie de son temps en prison, sans avoir jamais été
inculpé.
Il
avait déjà bénéficié auparavant de libérations conditionnelles, la dernière
remontant à février. Mais il avait été réincarcéré peu après. Le séjour au
Royaume-Uni du Jordanien, connu pour ses virulents prêches antioccidentaux,
s'est transformé en saga judiciaire: multipliant les recours, il a réussi à
échapper à toutes les tentatives pour le renvoyer chez lui.
«Je
pense que les gens vont être vraiment contrariés de voir Qatada (...) dans les
rues de Londres plutôt que dans un avion en partance pour la Jordanie», a
souligné la députée travailliste Yvette Cooper.
Le
Premier ministre David Cameron, en visite en Italie, n'a lui-même pas caché son
agacement: «J'en ai raz-le-bol que cet homme soit toujours en liberté dans
notre pays».
«Nous
avons remué ciel et terre pour essayer de nous conformer à la moindre virgule
de la moindre convention pour qu'il quitte le pays. C'est extrêmement
frustrant», a-t-il poursuivi.
TOUTES LES MESURES
NÉCESSAIRES
«Nous
allons faire appel (...) et obtenir l'assurance que nous pouvons expulser ceux
qui nous veulent du mal».
Le
gouvernement a aussi promis «que toutes les mesures nécessaires» seraient
prises «pour que Qatada ne présente pas de risque pour la sécurité nationale»,
précisant que son cas serait à nouveau évoqué avec les autorités jordaniennes.
Selon
la BBC, le roi de Jordanie Abdallah II pourrait aborder l'affaire à
l'occasion d'une visite au Royaume-Uni, la semaine prochaine.
La
Tribune de Genève