IMMIGRATION
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e Brexit, on l'a vu, est en partie la
conséquence de l'afflux de migrants qu'a connu le Royaume-Uni. D'où la
question, à nouveau posée par certains chercheurs, du taux d'acceptation de l'immigration
par une population. Un débat plus que jamais ouvert et pas si facile à
trancher.■
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a sociologie,
l’anthropologie et l’histoire ont apporté d’importantes avancées au débat sur
l’immigration. Elles permettent notamment d’affirmer que l’hostilité à l’égard
de l’immigration de masse ne peut être réduite à une protestation contre les
pertes d’emplois, la baisse des salaires et les inégalités croissantes.
La « théorie économique officielle » des « bien-pensants » nous dit
que l’immigration nette, comme le libre-échange, ne profite à la population
autochtone qu’avec un certain retard. L’argument ici est que si l’on augmente
la quantité de main-d’œuvre, son prix (les salaires) baisse. Cela permet
d’augmenter les bénéfices. L’augmentation des bénéfices conduit à davantage
d’investissements, qui vont augmenter la demande de main-d’œuvre, ce qui va
renverser la première tendance à la baisse des salaires. L’immigration permet
ainsi à une population plus nombreuse de jouir du même niveau de vie que la
population moins nombreuse dans la situation précédente, d’où une nette
amélioration du bien-être total.
Or, une étude récente de l’économiste de l’université de
Cambridge Robert Rowthorn a toutefois montré que cet argument
comporte de nombreuses lacunes. Les prétendus effets temporaires en termes de
travailleurs autochtones déplacés et de salaires plus bas peuvent durer cinq ou
dix ans, alors que les effets bénéfiques supposent une absence de récession. Et
même sans récession, s’il y a un afflux de migrants, plutôt qu’une augmentation
exceptionnelle de la taille de la main-d’œuvre, la demande de main-d’œuvre peut
constamment être en retard sur la croissance de l’offre. « La thèse selon laquelle les migrants occupent les emplois de
travailleurs locaux et poussent leurs salaires vers le bas est peut-être
exagérée, dit Rowthorn, mais elle n’est pas toujours fausse ».
Un deuxième argument
économique est que l’immigration va rajeunir la main-d’œuvre et va stabiliser
les finances publiques, parce que les jeunes travailleurs importés vont générer
les impôts nécessaires pour financer un nombre croissant de retraités. La
population britannique devrait dépasser les 70 millions
d’habitants avant la fin de la prochaine décennie, soit une augmentation de 3,6
millions, ou 5,5 %, en raison de l’immigration nette et de l’excédent des
naissances sur les décès parmi les nouveaux venus.
Rowthorn rejette cet
argument. « Pour maintenir une fois
pour toutes une réduction du taux de dépendance, il faut un flux incessant de
migrants. Une fois que l’afflux s’arrête, la structure des âges revient à sa
trajectoire d’origine. »
Ainsi,
même avec des résultats optimaux comme l’évitement de la récession, les
arguments économiques en faveur de l’immigration à grande échelle ne sont guère
concluants. Ainsi le nœud de la question est vraiment son impact social.
David
Goodhart, ancien rédacteur en chef de la revue « Prospect », a plaidé en faveur de la
restriction d’un point de vue social-démocrate. Il tient pour acquis que la plupart des gens préfèrent vivre avec
leurs semblables et que les décideurs doivent prêter attention à cette préférence.
Une attitude de laisser-faire quant à la
composition de la population d’un pays est aussi intenable que l’indifférence
quant à sa taille.
CONTRÔLES MIGRATOIRES
Pour Goodhart, l’origine de
l’hostilité des libéraux à propos des contrôles migratoires est leur conception
individualiste de la société. À défaut de comprendre l’attachement du peuple à
des communautés sédentaires, ils taxent l’hostilité à l’égard de l’immigration
de réaction irrationnelle ou raciste.
LA FORCE DE LA CITOYENNETÉ
Il me semble que quiconque
réfléchit à ces questions est forcé d’accepter avec Goodhart que la citoyenneté, pour la plupart des gens,
est une chose dans laquelle ils sont nés.
►Si
la composition d’une communauté se modifie trop rapidement, cela arrache les
gens à leur propre histoire, en en faisant des déracinés. L’anxiété des
libéraux de ne pas passer pour des racistes leur cache ces vérités. Une
explosion de ce que l’on appelle actuellement le populisme est une conséquence
inévitable.■ Avec Source