HISTOIRE
Chaque guerre a, si l'on ose dire, sa physionomie,
et les combats d’Azincourt firent d'autres blessures que ceux d’Austerlitz
ou de Dien Bien Phu. Quand éclate la Grande Guerre, le service de santé,
dirigé par les chefs du Val de Grâce, a tiré les leçons de Sedan, avec
brancardiers, infirmiers à l'avant, et unités chirurgicales à l'arrière, toutes
mobiles pour suivre les déplacements des troupes.■
M
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ais quand s'installent les
tranchées, et que les armes nouvelles sont utilisées, ce ne sont plus les
seules balles de fusil qui sévissent, mais les obus à billes ou éclats,
grenades à fragmentation, et gaz asphyxiants ; le pansement d'attente
avec teinture d'iode avant l'évacuation des blessés ne suffit plus,
les polytraumatismes et les atteintes osseuses exigent des soins chirurgicaux à
l'avant. À Verdun, où les combats ont lieu dans la boue, la gangrène et
la septicémie tuent plus vite que la balle dans le cœur ou le poumon.
Marie CURIE |
Il
faut donc réorganiser le service et former d'urgence un personnel plus
nombreux, qualifié, formé au tri des blessures selon la gravité, et des
chirurgiens entrainés pendant plusieurs mois. S'organise d'urgence un service
d'ambulances chirurgicales avec trois camions, le matériel pour
couchage de cent vingt lits, pour chauffage sous abri, où s'activent
spécialistes de la conduite, des groupes électrogènes, du matériel d'opération,
de stérilisation, de gouttières d'immobilisation, de désinfection et
stérilisation.
Les « petites curies », voitures
offertes par des particuliers à la physicienne prix Nobel, transportent un
appareil à rayons X relié à une dynamo dans des salles obscures improvisées
; en fournissant les images internes de blessures, elles évitent
les amputations. Marie Curie devient
directrice des services radiologues de l'Armée.
Alexis CARREL |
Mais l’autre prix Nobel français, Alexis Carrel,
à la tête d'un hôpital de campagne offert par l'Institut Rockefefeller, assisté
par le chimiste britannique H.D.Dakin, met au point des techniques au scalpel
avec antisepsie à la liqueur de ce nom ; en virtuose il effectue des
sutures artérielles et des interventions vasculaires impressionnantes,
avec des pansements réalisés selon des techniques de tissage
pratiquées dans les ateliers de soyeux, propices aux drainages.
Les professeurs René Leriche
de Lyon et Etienne Loubat de Bordeaux perfectionnent les méthodes de
reconstruction osseuse et font baisser les infections, donc la mortalité. Les
praticiens Léon Dufourmentel, avec la chirurgie faciale et les greffes de
peau, Henry Delagenière et Hippolyte Morestin pour les greffes osseuses
faciales, sont autant de pionniers. Le souci grandit de l'hygiène, en ces
lieux d'affluence humaine, parfois proches de charniers où les morts attendent
leur dernier voyage, et les risques d'épidémie sont stoppés.
Maurice RAVEL |
Si les soldats sont relevés
régulièrement pendant cette bataille qui dura trois cents jours et autant de
nuits, il n'en est pas de même pour ce personnel médical, en raison des
différentes spécificités ; les brancardiers et conducteurs d’ambulances
montrent une abnégation rare ; en fait partie le compositeur Maurice Ravel, volontaire malgré son
âge, refusé pour sa faible constitution, dont l'obstination finit par le
faire accepter dans ce secteur où périt le dixième des effectifs.
Ils
sauvent des milliers d'hommes, et rendent à leurs familles et à la vie civile
plus d'un million d'invalides que la misère aurait terrassés. Honneur à eux !■
Voir le site de
Françoise BUY REBAUD