LIVRES
« Historiquement correct » (Perrin) est un pamphlet dédié aux hommes politiques qui traitent de
l'Histoire à tort et à travers. L'auteur, Jean Sévillia, ne cache pas son
aversion pour la gauche. Il a la dent dure contre les politiciens qui
conjuguent leur ignorance de l'Histoire et leur parti-pris idéologique. Faut-il
des noms ? Ils sont connus de tous les lecteurs de la presse française et
l'auteur de « Historiquement
correct » ne se fait pas faute de les rappeler, citations à
l'appui.
En journaliste plus qu'en historien, il montre comment on peut déformer
l'Histoire pour la mettre à son service ou cacher des vérités troublantes.
Il rappelle le racisme de Voltaire, les crimes commis contre les Vendéens,
l'idéologie colonialiste des dirigeants de la IIIème République, la
contribution des leaders de gauche au régime de Vichy.
« Historiquement correct » comporte 18 chapitres qui, chacun, se rapporte à
une phase de l'Histoire. Cela va de la féodalité à la guerre d'Algérie en
passant par les Croisades, l'Inquisition espagnole, la Terreur, la Commune, la
Résistance et la Collaboration... Autant de sujets polémiques sur lesquels se
déchirent les néophytes et les idéologues mais sur lesquels s'accordent la
plupart des historiens, attentifs aux faits et aux sources de première main.
Jean SEVILLIA |
Ainsi, à propos de la féodalité et du Moyen Âge, l'auteur a beau jeu de
rappeler qu'elle ne mérite pas les clichés méprisants du XVIIIe siècle. Les
médiévistes contemporains, de Régine Pernoud à Jacques Le Goff en passant par
Jacques Heers, ont fait litière de ces préjugés et montré comment, sous l'égide du
clergé catholique, les peuples de l'Occident ont jeté les bases de la
démocratie, de la laïcité, de l'émancipation des femmes etc.
À propos des croisades, Jean Sévillia signale qu'elles furent avant tout une
manifestation de foi populaire et une réaction de défense des Européens dans
une époque très critique de leur Histoire. Les excès et les massacres qu'on
peut leur attribuer ne sortent hélas pas de l'ordinaire de l'époque (et sont
plutôt moins choquants que les horreurs du début du XXe siècle).
Pire que le Goulag ( *),
l' Inquisition ! Contre
l'imagerie traditionnelle colportée par les protestants anglais et les
philosophes français qui fait de l'Inquisition espagnole l'horreur absolue, on
rappelle que ses victimes se comptent au nombre de quelques milliers en
l'espace de trois siècles.
Venons-en au XVIIIe siècle
français. «Voilà un aspect des
Lumières qui est aujourd'hui soigneusement caché : le racisme», dit
fort justement l'auteur de « Historiquement correct ». Voltaire, le grand Voltaire, écrit dans Essai sur les mœurs
et l'esprit des mœurs : «Il
n'est permis qu'à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos,
les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races
entièrement différents».
Plus près de nous, « Historiquement correct » témoigne
de la grande confusion idéologique qui a conduit en France les républicains de
gauche à se faire les apologues de la colonisation à la fin du XIXe siècle et à
défendre la présence française en Algérie après la seconde guerre mondiale.
De la même façon, peut-on ignorer la
contribution de plusieurs dirigeants socialistes ou communistes au gouvernement
du maréchal Pétain (Doriot, Déat, Laval, Belin...), tandis que des officiers
catholiques et parfois monarchistes s'engageaient dès les débuts de
l'occupation allemande dans la Résistance (d'Estienne d'Orves, Leclerc de Hauteclocque, de Gaulle...) ?
Et quel est l'extrémiste qui confie les lignes suivantes à son journal
intime, en juillet 1940 ? «J'espère
que l'Allemand vaincra ; car il ne faut pas que le général De Gaulle l'emporte
chez nous. Il est remarquable que la guerre revient à une guerre juive,
c'est-à-dire à une guerre qui aura des milliards et aussi des Judas Macchabées.
» C'est le philosophe Alain, radical de gauche et pacifiste,
grande conscience de la IIIe République... (pages 367-368).