Une analyse de Richard Roudier du Réseau-Identités sur la crise de
l’Armée
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ans une période où les questions de Défense font l'actualité
(guerre au Mali, nouveau Livre blanc, future loi de programmation militaire,
affaire Louvois...), la saute d’humeur d'une dizaine de jeunes officiers, se
faisant appeler le « Mouvement Marc Bloch » (1) est un véritable pavé jeté dans
la mare. (Voir l’article du Gaulois en date du 08/03/2013 : « Armée: des Officiers dénoncent le désarmement et le déclin de la France »)
Ce
groupe composé de lieutenants et de capitaines venant des différents corps de
l'Armée Française et ayant en moyenne, trois ans de service, lance un signal
d'alarme que nos politiques ne doivent en aucun cas ignorer car il reflète
admirablement bien l'état d'esprit qui règne au sein des militaires
actuellement. Cet acte de désobéissance collective (les militaires sont soumis
au sacro-saint « devoir de réserve ») unique depuis 1961, se base sur un constat
qui est, hélas, bien réel, à savoir la
destruction d'un formidable outil militaire au profit de sombres intérêts.¢
Pourtant
les questions que soulèvent le Mouvement Marc Bloch ne sont pas nouvelles et certaines
ont été l'objet d'importants débats au sein de la communauté des acteurs de la
Défense au sens large. Dès 2009, l'ADEFDROMIL
(Association de défense des droits des militaires) réclamait la suppression
de la fameuse « deuxième section » et la réduction du nombre d'officiers recrutés
par la voie directe.
Une politique qui
conduit à la destruction du Corps de bataille
de l’Armée Française
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La
crise économique qui ravage notre pays depuis des années, pousse l’État à réduire
ses dépenses publiques en limitant globalement les attributions budgétaires des
différents ministères. Faisant intégralement partie du service public, l'armée
n’échappe pas à cette logique d'austérité mais force est de constater que dans
le cas de la “Défense”, cette politique a des conséquences désastreuses qui
risquent à court terme de faire ce qu'aucune armée adverse n’a réussi à faire depuis
Dien Bien Phu, à savoir détruire le
corps de bataille de l'Armée Française. Déjà une grande partie du parc de
chars Leclerc est entreposée dans des hangars faute de moyens pour les faire
fonctionner. Si la guerre en Afghanistan a permis une certaine modernisation de
l'équipement individuel, cette démarche est loin d'être généralisée. D'ailleurs,
celle-ci s'est faite au coup par coup, par des achats “sur étagère” (2) imposée par l'urgence opérationnelle
et non par de véritables programmes d'armement établis sur le long terme d'où
une certaine “hétéroclité” de l'équipement et de l'armement en fonction des
unités et des déploiements. Et même ces achats « urgence opération » sont soumis
aux impératifs budgétaires comme on a pu le voir en 2011 avec le déploiement en
Afghanistan de missiles “Javelin” de
fabrication américaine et dont la formation des servants en France, s'est
résumée en grande partie à de l’entrainement sur simulateur, seul les meilleurs
éléments étant autorisés à effectuer un tir réel faute de budget.
Mettre un terme à cette « armée mexicaine »
qui engendre de lourds
dysfonctionnements
administratifs
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Ce
genre de «dysfonctionnement » peut paraitre parfois anecdotique, mais il s'agit
malheureusement d'une réalité qui est généralisée au sein de l'armée. Si la «
rusticité » est une des grandes qualités de nos militaires habitués depuis longtemps
à faire beaucoup de choses avec peu de moyens, les réductions budgétaires qui
touchent essentiellement les capacités opérationnelles de la troupe sont
désormais à la limite du supportable. Pourtant, il y a des réformes qui sont
plus que nécessaires au sein de la Défense et qui permettraient à terme de
dégager des moyens financiers importants. C'est
le cas notamment dans l'administration qui est encore trop fragmentée et qui
doit d'urgence être mutualisée et devenir inter-armée dans les services où cela
est possible comme les ressources humaines. Il est temps également, de « dégraisser le mammouth » et de mettre
un terme à cette armée mexicaine qui a pris possession des services
administratifs au sein du ministère de la défense. Il y a en France, selon des
chiffres arrêtés au 31 décembre 2012, 498 officiers généraux en activité dont
173 pour l’armée de terre, 74 pour l’armée de l’air et 52 pour la marine... et
5 500 en section II, c’est-à-dire en pré-retraite, sans affectation…
Un colonel doit
commander un régiment d'un millier de soldats, pas un bureau d'une dizaine de
fonctionnaires. De
plus, pourquoi mettre un militaire à un poste administratif « non-stratégique »
alors qu'un civil pourrait faire le même travail pour un cout plus faible. Si encore
l'administration faisait preuve d'une véritable efficacité pour soutenir
l'effort de nos troupes, on pourrait faire preuve d'une certaine indulgence
mais c'est loin d'être le cas et le ministère
de la défense est, aujourd'hui, une véritable usine à gaz. L'affaire Louvois
résume à elle seule cette situation. Voilà deux ans que le nouveau logiciel
informatique inter-armées de paiement connait de graves dysfonctionnements rendant très aléatoire le versement des
soldes. Deux ans que cela dure et toujours pas de solution! Pourtant les
bugs avaient été diagnostiqués avant la mise en place de ce logiciel mais les
différents services concernés se sont renvoyé la balle, refusant d'en prendre
la responsabilité et d'engager le personnel nécessaire (5 informaticiens) pour
résoudre le problème alors qu'il en était encore temps.
E Voilà où en est,
aujourd'hui avec l'Armée Française : une administration défaillante, une organisation
des ressources humaines inégales et des réductions budgétaires qui nuisent directement
aux capacités opérationnelles.
Et
pourtant les militaires démontrent
chaque jour leur professionnalisme exemplaire que ce soit en Afghanistan,
au Mali ou encore en Libye en 2011. Face à ce constat alarmant, l'opposition se
développe de plus en plus. Elle fut d'abord le fruit d'initiatives individuelles
puis collectives mais externes à l'armée comme la révolte des "Gauloises", une association de femmes de
militaires, dont les maris, militaires du rang ne sont plus payés… Certains mettent
en cause les dysfonctionnements du système informatisé Louvois, qui gère -enfin
qui devrait gérer- les paies, mais d’autres accusent les coupes budgétaires
dans la “Défense” qui devraient se situer à moins 1 milliard en 2014 et 2
milliards en 2015 avec pour objectif de faire descendre, à terme, le budget à
moins de 1% du P.I.B.
E Décidément, depuis
Léon Blum en 1936, les socialistes font le lit des prochaines défaites de la
France. Les militaires avaient coutume de dire que l’Armée Française
combattante pouvait tenir au garde à vous sur la pelouse du stade de France, désormais,
il faudra leur proposer un terrain de tennis.
Désormais,
avec le mouvement Marc Bloch, la contestation se fait à l'intérieur même de nos
forces armées. Aussi, est-il grand temps que nos dirigeants politiques prennent
conscience de la portée de leurs actes.
E Il est
encore possible de faire marche arrière mais il ne faut pas attendre car,
malheureusement dans ce domaine qu'est la Défense, les erreurs se paient en vie
humaine.¢
Richard Roudier
et la Commission Armée-Défense du Réseau-
Identités
(Antoine C., Marceau A., Marc A.)
Notes
(1)
du nom d’un officier mort en 1944 qui imputait la défaite de 1940 aux plus
hauts niveaux de commandements
(2)
achats non programmés réalisés dans l’urgence