LIVRES
Gilbert Sincyr démontre ce
qui oppose sémites et européens, dans leurs spiritualités comparées. De
Stonehenge au Parthénon en passant par Lascaux.Entretien avec Gilbert Sincyr, auteur du livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe (préface d’Alain de Benoist).
D’Odinn à Homère et Athéna, l’auteur
nous explique ce qui est spécifique du Paganisme européen, comparé aux valeurs
bibliques du Judéo-christianisme. Plus généralement il oppose l’esprit du
Paganisme européen à celui du monothéisme moyen-oriental.
« Le Paganisme est une Vue du
monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé sur le
sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la
vie. »■
Votre livre « Le Paganisme, recours spirituel et
identitaire de l’Europe » est un succès. Pourtant ce thème peut
paraître quelque peu « décalé » à notre époque.
Bien
au contraire : si les églises se vident, ce n’est pas parce que l’homme a
perdu le sens du sacré, c’est parce que l’Européen se sent mal à l’aise
vis-à-vis d’une religion qui ne répond pas à sa sensibilité. L’Européen est un être qui aspire à la
liberté et à la responsabilité. Or, lui répéter que son destin dépend du
bon vouloir d’un Dieu étranger, que dès sa naissance il est marqué par le
péché, et qu’il devra passer sa vie à demander le pardon de ses soi-disant
fautes, n’est pas ce que l’on peut appeler être un adulte maître de son destin.
Plus les populations sont évoluées, plus on constate leur rejet de l’approche
monothéiste avec un Dieu responsable de tout ce qui est bon, mais jamais du mal
ou de la souffrance, et devant qui il convient de se prosterner. Maintenant que l’Église n’a plus son
pouvoir dominateur sur le peuple, on constate une évolution vers une aspiration
à la liberté de l’esprit. C’est un chemin à rebours de la condamnation
évangélique, originelle et perpétuelle.
Alors, qu’est-ce que le Paganisme ?
C’est
d’abord un qualificatif choisi par l’Église pour désigner d’un mot l’ensemble des religions européennes,
puisqu’à l’évidence elles reposaient sur des valeurs communes. C’est donc le
terme qui englobe l’héritage spirituel et culturel des Indo-européens. Le
Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme.
Il est fondé sur le sens de l’honneur et
de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la vie. Ce mental
de combat s’est élaboré depuis le néolithique au fil de milliers
d’années nous donnant une façon de penser, une attitude face au
monde. Il est à l’opposé de l’assujettissement traditionnel moyen-oriental
devant une force extérieure, la volonté divine, qui contrôle le destin de chacun.
Ainsi donc, le Paganisme contient et exprime l’identité que se sont forgés les
Européens, du néolithique à la révolution chrétienne.
Vous voulez donc remplacer un Dieu par plusieurs ?
Pas
du tout. Les temps ne sont plus à l’adoration. Les Hommes ont acquis des connaissances qui les éloignent des peurs
ancestrales. Personne n’a encore apporté la preuve incontestable qu’il
existe, ou qu’il n’existe pas, une force « spirituelle » universelle.
Des hommes à l’intelligence exceptionnelle, continuent à s’affronter sur ce
sujet, et je crois que personne ne mettrait sa tête à couper, pour l’un ou
l’autre de ces choix. Ce n’est donc pas ainsi que nous posons le problème.
Le Paganisme, qui est
l’expression européenne d’une vue unitaire du monde, à l’opposé de la
conception dualiste des monothéismes, est la réponse spécifique d’autres
peuples aux mêmes questionnements. D’où les différences entre civilisations.
Quand
il y a invasion et submersion d’une civilisation par une autre, on appelle cela
une colonisation. C’est ce qui s’est
passé en Europe, contrainte souvent par la terreur, à changer de religion (souvenons-nous
de la chasse aux idoles et aux sorcières, des destructions des temples anciens,
des tortures et bûchers, tout cela bien sûr au nom de l’amour). Quand il y a
rejet de cette colonisation, dans un but de recherche identitaire, on appelle
cela une libération, ou une « Reconquista », comme on l’a dit de
l’Espagne lors du reflux des Arabes. Et nous en sommes là, sauf qu’il ne s’agit
pas de reflux, mais d’abandon de valeurs étrangères au profit d’un retour de
notre identité spirituelle.
Convertis par la
force, les Européens se libèrent. « Chassez
le naturel et il revient au galop », dit-on, et voilà que notre identité
refoulée nous revient à nouveau. Non pas par un retour des anciens Dieux, forme
d’expression d’une époque lointaine, mais comme un recours aux valeurs de
liberté et de responsabilité qui étaient les nôtres, et que le Paganisme
contient et exprime.
Débarrassés
des miasmes du monothéisme totalitaire, les Européens retrouvent leur contact
privilégié avec la nature. On reparle d’altérité plutôt que d’égalité,
d’honneur plutôt que d’humilité, de responsabilité, de volonté, de défi, de
diversité, d’identité, enfin de ce qui constitue notre héritage culturel,
pourchassé, rejeté et condamné depuis deux mille ans.
S’agit-il alors d’une nouvelle guerre de religion ?
Pas
du tout, évidemment. Les Européens
doivent dépasser ce qui leur a été imposé et qui leur est étranger. Nous
devons réunifier sacré et profane, c’est-à-dire réaffirmer que l’homme est un
tout, que, de ce fait, il est le maître de son destin car il n’y a pas
dichotomie entre corps et esprit. Les Européens ne doivent plus s’agenouiller
pour implorer le pardon de fautes définies par une idéologie dictatoriale
moyen-orientale. Ce n’est pas vers un retour du passé qu’il nous faut nous
tourner, gardons-nous surtout d’une attitude passéiste, elle ne serait que
folklore et compromission. Au contraire des religions monothéistes, sclérosées
dans leurs livres intouchables, le Paganisme, comme une source jaillissante,
doit se trouver de nouveaux chemins, de nouvelles expressions. À l’inverse des
religions du livre, bloquées, incapables d’évoluer, dépassées et vieillissantes,
le Paganisme est l’expression de la liberté
de l’homme européen, dans son environnement naturel qu’il respecte. C’est
une source de vie qui jaillit de nouveau en Europe, affirmant notre identité,
et notre sens du sacré, pour un avenir de fierté, de liberté et de volonté,
dans la modernité.
Le Paganisme. Recours
spirituel et identitaire de l’Europe de Gilbert Sincyr, éditions de
L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa,
232 pages, 25 euros.