Le bureau du Sénat a
levé mercredi, pour la deuxième fois, l'immunité parlementaire du sénateur PS
Jean-Noël Guérini que la justice souhaite placer en garde à vue pour
l'interroger sur un dossier "à caractère mafieux".
"Le
Bureau du Sénat a décidé d'accéder à la demande du juge d'instruction portant
sur la possibilité d'un placement en garde à vue", a annoncé la présidence
dans un communiqué.
Le
sénateur des Bouches-du-Rhône, dont les apparitions au Sénat sont rares,
n'était pas à Paris ce mercredi et n'a pas souhaité réagir directement. L'un de
ses avocats, Me Dominique Mattei a toutefois jugé que cette décision n'était
pas "opportune".
"Le
magistrat instructeur aurait pu l'auditionner lui-même", sans le mettre en
garde à vue, "cela change quoi?", a-t-il déclaré.
Pour
le juge Charles Duchaine, à l'origine de la demande, il existe "une ou
plusieurs raisons plausibles" de soupçonner le président du conseil
général des Bouches-du-Rhône d'avoir commis les délits de corruption passive,
trafic d'influence et association de malfaiteurs.
Il
n'envisage toutefois "aucune mesure de détention ou de contrôle
judiciaire" à l'issue de l'interrogatoire.
Le
Bureau du Sénat a tenu à rappeler "qu'il ne se prononce ni sur le fond du
dossier, ni sur l'exactitude des faits, ni sur la procédure suivie par le
juge". "La présomption d'innocence bénéficie aux parlementaires comme
à n'importe quel citoyen", a-t-il insisté.
La
demande de levée d'immunité a été transmise par le parquet général
d'Aix-en-Provence le 9 novembre à la Chancellerie qui l'a envoyée au Sénat le
21 novembre.
Elle
concerne une information judiciaire parallèle à celle où M. Guérini a été mis
en examen le 8 septembre 2011, et qui a débouché sur une première levée de son
immunité parlementaire en mars après qu'il eut refusé, un temps, de répondre
aux questions du magistrat.
POTS-DE-VIN
Ce
dossier porte sur des entreprises qui ont remporté des marchés publics
"dans des conditions suspectes" auprès de collectivités. Des gérants,
des élus et fonctionnaires ont été mis en examen. Mais surtout il recèle des
liens avec le grand banditisme.
Patrick
Boudemaghe, dirigeant des sociétés incriminées, arrêté en Espagne fin 2010,
Bernard Barresi "malfaiteur notoire" vivant sous de fausses
identités, arrêté en juin 2010 après 18 ans de cavale et Alexandre Guérini,
frère du sénateur et dirigeant de décharges, formaient, selon le juge, un
groupement "permanent".
Le
trio aurait eu recours à des pots-de-vin pour décrocher ou faire obtenir des
marchés publics auprès des conseils généraux des Bouches-du-Rhône et de
Haute-Corse, ainsi que de l'agglomération de Salon-de-Provence.
Quant
au rôle de Jean-Noël Guérini, il est "difficile à cerner et surtout à
critiquer", reconnaît le juge. Mais il aurait assuré de façon
"systématique" le succès des entreprises de son frère et de ses amis
"par ses interventions influentes, ses actions ou ses abstentions",
dénoncées aux enquêteurs par d'anciens collaborateurs.
C'est
le centriste Jean-Léonce Dupont, président de la délégation en charge des
conditions d'exercice du mandat du sénateur, qui a instruit cette demande pour
le Bureau du Sénat.
Ce
dernier a également mercredi exprimé "ses préoccupations sur la violation
du secret de l'instruction" faisant valoir que cette règle "doit être
pleinement respectée, notamment par ceux qui en ont la charge".
Avec
AFP