Nicolas Sarkozy n’a
pas tardé à effectuer une rentrée plus ou moins discrète sur la scène
politique. Nul doute qu’il va s’y incruster avec l’énergie du désespoir.
Cela
se comprend. Rien de plus infortunés que ces anciens présidents battus qui
traînent dans l’ennui une existence inutile et misérable sans savoir quoi faire de leur temps,
tels ces pitoyables chevaux de course,
fourbus et réformés que l’on met au pré. Surtout s’ils sont encore jeunes.
Songeons à Bill Clinton, Georges Bush ou VGE ou à Jacques Chirac. À cet égard,
dans un souci de miséricorde, on devrait songer à voter une loi interdisant à
toute personne de se présenter aux
présidentielles avant d’avoir atteint l’âge canonique de 70 ans. Comme ça, on serait
tranquille. Mais, avec Nicolas Sarkozy, il n’y a heureusement rien à craindre
de semblable.
Car
nous avions été bien naïfs. Les quelques rares observateurs qui avaient osé imaginer « l’après Sarkozy » le
voyaient déjà quitter les berges de la Seine pour celles du Potomac et
aller honnêtement gagner beaucoup d’argent dans un grand cabinet d’avocat
d’affaires américain (tout comme jadis la ravissante Christine Lagarde).
D’autant plus qu’il dispose d’un carnet d’adresses pratiquement sans égal au
monde, depuis le prince de Monaco jusqu’à l’Évêque coadjuteur de la principauté
d’Andorre.
Mais
ce n’est pas du tout.
Le
voilà qui se déguise en touriste ordinaire au Maroc avant de rentrer à Paris pour s’enfermer au Conseil
Constitutionnel dont il est membre de droit. Cela se comprend. La République,
décidément bien généreuse offre un véritable pont d’or à ses anciens
présidents.
Voyez
plutôt.
Tout
comme Giscard avant lui, et notre Chirac, Sarkozy dispose d’un équipage de
prince.
La
République lui verse 11 500 euros nets par mois, auxquels s’ajoute
6 000 euros versés au titre d’ancien Chef d’État. Cela fait déjà un joli
pactole de 7 500 euros par mois. C’est quand même mieux que le SMIC. La
petite Julia ne manquera pas de jouets à Noël. Cela d’autant plus qu’à cela
s’ajoutent des « primes de sujétion (on se demande lesquelles) d’un
montant inconnu mais dont on peut
s’imaginer qu’elles sont rondelettes. En outre, l’heureux bénéficiaire de ces
largesses est logé dans un appartement de fonction « meublé et
équipé », qu’il peut voyager sans limites et gratuitement sur Air France, et que deux
policiers assurent la protection de sa
précieuse personne, sans compter pas moins de sept collaborateurs.
Ah,
j’allais oublier. Il dispose aussi d’une voiture de fonction qui ne doit pas
être probablement une Coccinelle ou une Smart. On comprend aisément que dans
ces conditions il soit difficile de renoncer à ce pactole, à vie, d’aller
s’exiler à New York où, au surplus, il faut
travailler dur pour gagner son
pain quotidien.
Mais
il y a plus. Car des délices nouveaux l’attendent à Paris où il va pouvoir
jouer un rôle convoité, celui de la statue du Commandeur auprès de l’ancienne
majorité. Ne fait-on pas déjà courir le bruit que les Français commencent à regretter Sarkozy ?
En
fait, pour ceux qui pénètrent quelque peu la psychologie du personnage, son
seul but dans la vie sera désormais de prendre sa revanche sur le destin
injuste qui l’a privé d’un second mandat où son immense talent aurait pu
s’épanouir à loisir. Là deux voies royales s’offrent à lui : soit chercher à
revenir purement et simplement à l’Elysée ; soit barrer systématiquement la route au
rival imprudent qui ferait mine de vouloir en faire autant. Chacun sait que
l’on tire autant de satisfaction de l’échec de ses amis que de ses
propres succès.
En
d’autres termes, le boulevard qui s’ouvre devant lui, et on peut en imaginer
d’avance les arcanes infinies, va lui permettre de mettre sans cesse des bâtons
dans les roues de l’impudent François
Copé si ce dernier s’imagine pouvoir rivaliser avec son ancien patron. Mieux
encore, il lui sera loisible d’avoir recours à l’inusable et docile François
Fillon, son ombre portée à la tête de l’UMP,
comme sa marionnette préférée. Il
pourra commodément en tirer les ficelles
dans l’ombre pour avancer masqué vers son propre but. Tout cela en attisant
savamment les rivalités fratricides au sein
de son propre camp. Que de riantes perspectives.
De
sorte qu’avec une droite divisée et éclatée, la gauche peut heureusement se
préparer à l’ exercice ininterrompu du pouvoir pendant de longues années.
Du Songe d’Attali au
rêve de Sarkozy ?
Notes
1) René
Dosière, « L’ argent de l’État », Le Seuil