« La scène
politique attirera toujours des aventuriers irresponsables, des ambitieux et
des escrocs. On ne cessera pas si facilement que cela de détruire notre planète
» (Vaclav Havel)
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ransparency International calcule et publie chaque année un
indice de corruption par pays. En 2014, la France y occupe une place
intéressante : la 26ème, à égalité avec le Qatar et juste derrière les Émirats
Arabes Unis ! Rien de surprenant à cela ! En effet, bien que leurs
compromissions soient avérées, bien qu’ils soient poursuivis et « mis en examen
» pour la plupart, il est quasi impossible de condamner sérieusement,
aujourd’hui, des personnages politiques de quelque bord qu’ils soient sans
soulever la riposte adverse qui se traduit par un nouveau scandale. Et des
scandales, ce n’est pas ce qui a manqué dans notre « douce France »… mais ils
trainent en longueur (affaires Tapie, Betancourt, Bygmalion…) ou on les
étouffe…n
À titre d’exemple (non
exhaustif), Jean-Noël Guérini, sénateur PS du 13, a fait l’objet d’une double
mise en examen dans une affaire qui dure depuis plusieurs années et mêle
responsables politiques et grand banditisme. Son défaut de moralité ne
l’empêchera pas d’être, en septembre 2014, réélu sénateur par un collège de «
grands électeurs » et en mars 2015, conseiller général… ce qui laisse perplexe
quant à la moralité de ses électeurs.
« Un peuple qui élit des
corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas
victime. Il est complice » vitupérait Georges Orwell…
« Je m’inquiète du fait que
le parti socialiste soit solidaire d’élus dont les liens avec le grand
banditisme apparaissent… Il y a au sein du PS un système affairiste… »
déclarait, déjà, Montebourg le 7 juillet 2011 dans l’Écho Républicain. Le 21
novembre 2011, il confirmait « la corruption d’élus socialistes » dans une
lettre à Martine Aubry, en l’accusant : « nul ne croira que tu pouvais ignorer
la gravité des faits ».
Platon soutenait que « Le
plus grand mal, à part l’injustice, serait que l’auteur de l’injustice ne paie
pas la peine de sa faute »… vœu pieux que celui-ci dans notre chère « Ripoublique »…
Nous le constatons
régulièrement, la vie politique en France n’est pas triste et elle serait même
amusante si les hommes politiques de ce pays n’avaient pas en commun la
fâcheuse habitude de se moquer du monde. Comme ils ont entendu dire, pendant
leurs études, que les hommes d’État n’ont pas de scrupules, ils ont cru qu’il
leur suffirait de ne pas avoir de scrupules pour être des hommes d’Etat. Le «
Vallsgate » de Berlin en est un exemple flagrant quand Manuel Valls, sans la
moindre déontologie pour sa fonction, ignora lors de ce déplacement les
principes les plus élémentaires de la séparation entre les comptes privés et
publics…
Sur le voyage privé du
Premier Ministre à Berlin, le philosophe et historien Marcel Gauchet, écrira
dans « le journal du dimanche » : « Tous ces abus dans la société où nous
sommes, arrivent inexorablement sur la place publique et ne sont plus supportés, étant donné la médiocrité
globale des résultats de ces supposés brillants cerveaux. […] Les gouvernants
ont perdu l’aura qui empêchait d’aller voir de près leurs faits et gestes. »
Ces « affaires » à
répétition confirment l’effondrement de la moralité politique et l’indécence
sans limites d’une caste de sur-privilégiés, dont le comportement insulte
chaque jour un peuple français pressuré de toutes parts.
« La démocratie est fondée
sur la vertu », déclarait Montesquieu. La démocratie exige nécessairement la
vertu politique, c’est-à-dire, selon ce même Montesquieu, « l’amour des lois et
de la patrie ».
Mais est-ce bien le cas de
notre démocratie ? On peut en douter sérieusement, car, depuis longtemps, la
classe politique a probablement oublié ce qu’était la patrie, mais a bien
compris comment utiliser les failles de ce système.
Dès lors, la « justice »,
vantée par ailleurs par la caste politique, apparaît au citoyen lambda le plus
souvent sous forme négative : L’injustice est criante ; elle est scandale !
Elle est pierre d’achoppement. Avec la même rugosité que l’obstacle qui fait
chuter, l’injustice se dresse sur le chemin sans qu’il soit possible de la
neutraliser.
Dans son discours du 22
septembre 2011 à Berlin devant le Reichstag, Benoit XVI a cité saint Augustin
en ces termes « C’est pourquoi, sans la justice, que sont les royaumes sinon
de grandes bandes de brigands » (Cité de Dieu, IV, 4).
Sans la justice, en effet,
les royaumes sont-ils autre chose que de grandes troupes de brigands ? Et
qu’est-ce qu’une troupe de brigands, sinon un petit royaume ? Car c’est une
réunion d’hommes où un chef commande, où un pacte social est reconnu, où
certaines conventions règlent le partage du butin. Si cette troupe funeste, en
se recrutant de comparses dénués de vertus politiques, grossit au point
d’occuper un pays, d’établir des postes importants, d’emporter des villes, des
mandats parlementaires, de subjuguer des peuples, alors elle s’arroge
ouvertement le titre de royaume… ou chasse gardée, titre qui lui assure non pas
le renoncement à la cupidité, mais la conquête de l’impunité et la
généralisation du renoncement et du cynisme.
Il n’y a même pas de
différence substantielle entre un vulgaire brigand des mers et un empereur tel
Alexandre le Grand, comme l’exprime saint Augustin dans un passage d’une
insolence étonnante : « La Cité des Dieux », Livre IV, chapitre IX.
« À quoi penses-tu ?
D’infester la mer ? » lui demanda le roi.
« À quoi penses-tu ?
D’infester la terre ? », répondit le pirate avec une audacieuse liberté. « Mais
parce que je n’ai qu’un frêle navire, on m’appelle pirate et parce que tu as
une grande flotte on te nomme conquérant ».
C’est une spirituelle et
juste réponse que fit à Alexandre le Grand ce pirate tombé en son pouvoir.
La société humaine dans
laquelle nous vivons, poursuit des bonheurs faux, trompeurs et méprisables.
Dans bien des cas, l’exercice du pouvoir politique et juridique se trouve
dépourvu de toute légitimité morale. Dès lors, cette immoralité perverse
afflige les Français raisonnables qui demeurent nombreux. Où ils attendent
l’espérance, on leur offre des bilans truqués, des chiffres faux, des slogans
ineptes, des palinodies honteuses, des sondages orientés, des promesses non
tenues et autant de mensonges qui faisaient, déjà, dire à Platon : « La
perversion de la cité commence par la fraude des mots ».
Un disciple demanda un jour
à Confucius quelle lui semblait être la première tâche à faire pour le
souverain d’un pays. Il répondit : « Restaurer le sens des mots ! »
En effet, rien dans la valse
des mots qui nous abreuvent au quotidien ressemble à de la volonté, de
l’enthousiasme… par conséquent de l’avenir. Alors, le constat tombe comme une
pierre dans le jardin de ces messieurs : Plus de confiance !... et les abstentions
se multiplient lors des consultations électorales.
Pourtant, j’en suis sûr, il
suffirait de quelques mots brûlants pour enflammer encore ce peuple. Mais, pour
lui donner à croire, il faudrait avoir la foi et ces bonimenteurs ne croient
même pas en eux-mêmes, car je suis sûr qu’au fin fond de leur conscience, si
par hasard ils y regardent, doit gésir la stupeur de se trouver à la place
invraisemblablement indue où ils sont.
Et c’est ainsi que nous végétons,
enquiquinés, dans la platitude marécageuse d’hommes politiques qui ne peuvent
plus prétendre à la confiance du peuple.n