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n conçoit parfaitement qu’il doit être difficile pour une
vedette de la chanson et du cinéma de devoir quitter la scène avant une
sénilité précoce. On disait d’Eddy Mitchell qu’il avait « une
gueule », on peut rectifier aujourd’hui ce jugement en constatant qu’il
s’est amélioré puisqu’il est devenu une « grande gueule ».
Eddy
Mitchell n’a jamais servi militairement en Algérie.
Incorporé
le premier mars 1962 dans un régiment du train à Montlhéry, il est chargé de
l’organisation du ciné-club pendant que les jeunes de son âge vont se faire
tuer dans des embuscades de l’autre côté de la Méditerranée.
Il
continue à enregistrer une vingtaine de chansons, en 1962, accompagné par
« Les Fantômes », notamment au cours de sa prestation à Juan-les-Pins
cette même année.
Il
participe sur ordre et contre son gré à une tournée en Algérie (Alger et Tiaret
notamment donc loin des régions réputées dangereuses).
Il
y retourne pour donner un concert (rémunéré bien entendu) au théâtre de verdure
d’Oran en 1962. Celui-ci est annulé et il en garde une rancune tenace aux
oranais.¢
Bien que son séjour n’ait duré que 48 heures, Eddy Mitchell a eu le temps, en se promenant tranquillement, de voir des jeunes européens « courser » de jeunes Arabes avec une lanière de cuir et une pierre au bout, puis, au cours de cette même promenade, il a assisté à une scène au cours de laquelle deux Arabes étaient balancés dans le port par des européens pour la seule raison, paraît-il, qu’un pied-noir avait été égorgé le veille. C’est ce qu’il affirme dans le Nouvel Observateur du 21.10.2004.
Si
lui en quelques heures a pu assister à de telles scènes aussi atroces imaginez
ce que devait être la vie à Oran.
J’y
ai passé bien plus de temps que lui sans jamais avoir assisté à de tels
spectacles ! Heureusement qu’Eddy Mitchell n’était plus à Oran début
juillet 62 car dans ce cas il aurait très certainement raconté qu’il avait vu
des hordes sauvages de « pieds noirs » assassinant et enlevant plus
de 3000 Arabes et qu’il s’était baigné dans le « petit lac » au
milieu de ces corps suppliciés.
Les
spécialistes de la maladie d’Alzheimer devraient se pencher sur l’évolution de
cette maladie. Puisque plus de cinquante ans plus tard, elle multiplierait les
souvenirs. En novembre 2013, ce n’est plus deux Arabes jetés dans le port, dans
ce même souvenir d’Eddy Mitchell, mais « des Arabes » balancés
par-dessus la grande promenade qui longeait la mer. Les Oranais qui pensaient
bien connaître leur ville seront heureux d’apprendre qu’il y eu une
« grande promenade » qui longeait la mer… puisque seul Eddy Mitchell
l’a vue !!
Il
est dur de vieillir, c’est bien vrai, mais est-il bien nécessaire d’ouvrir sa
grande gueule quand on n’a plus sa voix pour se donner en spectacle ? Souhaitons,
pour le souvenir que nous garderons de lui, que « Schmoll » nous a
offert chez « Morandini » sa dernière séance et sa dernière chanson
en duo avec Serge Gainsbourg :
« J's'rai
content quand tu s'ras mort
Vieille
Canaille
J's'rai
content quand tu s'ras mort
Vieille
Canaille
Tu ne
perds rien pour attendre
Je saurai
bien te descendre
J's'rai
content d'avoir ta peau
Vieux
Chameau. »