Photo 1 |
Lors d’une récente
exposition consacrée à l’Algérie (1), les clés d’honneur d’Alger (photo 1)
remises par le dey Hussein à l’armée française après la capitulation de la
ville le 5 juillet 1830, et qui appartiennent au Musée de l’Armée à Paris,
étaient présentées et se voyaient d’ailleurs reproduites dans le dossier de
presse.
Ces
objets, aux réelles qualités artistiques et à la forte symbolique, restèrent en
dépôt dans les musées d’Alger jusqu’à l’indépendance, date à laquelle ils
furent rapatriés avec une partie des collections en métropole et inscrits sur
l’inventaire du Musée de l’Armée. Il s’agit donc de trésors nationaux,
inaliénables.
Or, le ministère des
Affaires Étrangères, qui semble considérer nos musées comme un réservoir de
cadeaux diplomatiques, a décidé unilatéralement, sans d’ailleurs que l’Algérie
ne fasse à ce propos aucune demande, que le Président de la République
française, François Hollande, devait offrir ces clés à l’Algérie lors du voyage
officiel qu’il y fera les 19 et 20 décembre prochain (2).
Photo 2 |
Le
17 novembre 2002 pourtant, était passés en vente chez Osenat à Fontainebleau un
ensemble de souvenirs provenant du Maréchal de Bourmont qui, alors général,
avait pris la Casbah d’Alger. On y trouvait notamment le sceau du dey (photo 2) mais également deux autres
clés (photo 3), considérées comme
des clés de la Casbah. Ces objets furent achetés par l’Élysée et l’année
suivante le président Jacques Chirac, lors d’une visite officielle en Algérie,
offrit le sceau à Abdelaziz Bouteflika. Il ne s’agissait pas d’objets
appartenant à un musée et il n’y avait donc rien de contestable (Ndlr
FPI-Le Gaulois : sur le plan légal du moins, car il en va tout autrement
sur le plan symbolique).
L’Élysée n’ayant pas répondu à nos questions, nous ne savons pas ce que sont devenues les clés acquises en 2002. Peut-être considère-t-on que leur qualité artistique inexistante n’en fait pas un bon cadeau diplomatique et que c’est pour cette raison que les Affaires Étrangères ont jeté leur dévolu sur les très belles clés d’apparat conservées par le Musée de l’Armée.
Photo 3 |
On imagine ce qu’il
adviendrait de ses collections s’il fallait désormais « restituer » -
au mépris d’ailleurs des lois françaises et des conventions internationales -
les prises de guerre historiques à leur nation d’origine. Imagine-t-on la nef
des Invalides privée de ses drapeaux ?
Rappelons
donc au ministre des Affaires Étrangères et au Président de la République
qu’ils ne sont pas au-dessus des lois et que les objets appartenant aux musées
sont inaliénables et imprescriptibles. Certes, il existe une procédure de
déclassement. Mais d’une part celle-ci n’a pas été menée, et d’autre part elle
est soumise à l’avis d’une commission scientifique dont il est peu probable
qu’elle donne son accord à un tel projet.
On se rappelle que
Nicolas Sarkozy, naguère, avait « rendu » de manière tout aussi
illégale des manuscrits coréens, sous la forme d’un pseudo-dépôt qui
n’était en réalité qu’une restitution déguisée. Si le fond de l’affaire est
comparable, remarquons que dans le cas des clés d’Alger, contrairement aux
manuscrits, le pays d’origine ne les réclame pas. Et que leur mode
d’acquisition n’avait rien de contestable puisqu’il ne s’agit pas d’un pillage
(même si par la suite la ville fut mise à sac) mais bien de la conséquence d’une reddition, un fait
historique dont il est possible de regretter les conséquences mais dont on ne
peut contester qu’il a eu lieu. Les
œuvres des musées français appartiennent à tous les français. Ils ne peuvent
servir de cadeaux diplomatiques.
Notes
1. Algérie
1830-1962 avec Jacques Ferrandez, Paris, Musée de l’Armée, du 16 mai au 29
juillet 2012.
2. Nous
avons sollicité le Musée de l’Armée, le ministère des Affaires Étrangères et
l’Élysée. Le premier n’a pas voulu nous répondre, le deuxième nous a renvoyé
vers l’Élysée que nous avons appelé mais qui n’a donné aucune suite à notre
demande d’explication.
Didier
Rykner pour « la Tribune de l’Art », vendredi 30 novembre 2012