« C’est toi que
j’invoque, ô Christ ! C’est de la couleur de Ton Sang versé pour nous, dont nous avons teint
les étendards populaires. »
Jules Alix (membre du Conseil de la Commune de Paris) Paroles de combat.
« Sur un vieux
fond de mysticisme chrétien et de spiritualité catholique, je suis à la fois nietzschéen
et marxiste. »
Antoine de Saint-Exupéry. Propos rapporté par Jean Mermoz.
« Cette façon en
quelque sorte gallicane de penser religieusement l’athéisme, comme un croyant
vit sa foi, est un des traits caractéristiques de bien des Français
d’aujourd’hui. »
Comte Hermann von Keysserling. Analyse spectrale de l’Europe.
En
ce qui concerne les années 1950-1980, le schéma de l’histoire politique qui
prévaut est à peu près celui-ci : les « forces démocratiques »
(bourgeoisie classique – « droite » – centre – démocratie chrétienne)
auraient fait chorus contre un « danger » omniprésent, représenté en
France par le Parti Communiste qui trouvera bientôt son nom : le «
totalitarisme ». En outre, « à l’extrême gauche » se serait
située une terra incognita de groupuscules pouvant entraîner à diverses
aventures, depuis une dictature un peu plus plombante que celle des
« staliniens » jusqu’à une sorte d’anarchie libertaire. On oublierait
presque de citer de très petits partis ou courants dits de « nouvelle
gauche », ainsi que les « chrétiens de gauche », qui soulevaient
parfois des questions hors du cadre politique convenu.
On
le voit : ce schéma ne permet pas du tout de comprendre comment nous en
sommes arrivés à la situation actuelle. En effet : la bourgeoisie
classique achève actuellement de disparaître, pratiquement anesthésiée et
stuporeuse, le Parti Communiste a été éradiqué, aucune dictature d’extrême
gauche n’a pointé à l’horizon. Et aucun char russe n’a été aperçu place de la
Concorde.
Voici
ce qui est très étrange : en moins de trente ans les gens habituellement
désignés comme les plus dangereux en politique (la méchante droite avec ses
matraques et ses CRS, les horribles communistes avec leurs camps et leur KGB)
ont été mis hors d’état de nuire (par qui donc ? et pourquoi ?), cependant
la France est moralement, spirituellement ravagée, dévastée, à l’agonie ;
elle achève de s’effacer sous une emprise idéologique interdisant toute
définition et application d’une politique élaborée hors d’un « nouvel
ordre », dont l’histoire de l’apparition ne semble pas avoir encore été
écrite de manière satisfaisante.
Je
vais proposer quelques idées permettant peut être de mieux comprendre cette
histoire bizarre.
Méthode :
je vais approfondir certains rapports entre groupes spirituels, politiques ou
sociaux qui ne semblent pas totalement clarifiés et élucidés. J’introduirai peu à peu ces groupes dans mon
exposé, pour dessiner enfin un schéma qui se révélera peut être digne d’intérêt
pour résoudre l’énigme politique évoquée ci-dessus. Auparavant une courte note
sur un point de méthode et d’histoire.
[Note
sur l’histoire des hérésies et des types d’athéisme]
De
même qu’il y a une histoire des hérésies, il y a évidemment une histoire de
l’athéisme, des « types d’athéisme ». On pourrait dessiner une sorte
de « spectre historique de l’athéisme » où l’on croiserait par
exemple le jouisseur un peu stupide, le jouisseur ratiocinant de type sadien,
le scientifique intègre mais demi-savant c'est-à-dire scientiste, le petit
pervers moderne, calculateur et méthodique et ainsi de suite. Certains sont des
esthètes assurés, d’autres des petits bourgeois timides, certains ont été manipulés,
d’autres ont développé un orgueil démesuré. On a évidemment parlé aussi
d’ « athées religieux ». Ainsi dans l’Europe moderne des
« athées » sont catholiques et des « catholiques »
sont athées selon von Keysserling.
Ces
types d’athéisme apparaissent bien sûr historiquement et socialement suivant la
distance à la nécessité et à l’urgence du travail : être un athée pervers
et nihiliste suppose évidemment qu’on ait la chance d’être à l’abri des
nécessités de la vie quotidienne ; et que l’on use fort mal du temps de
loisir ainsi disponible.
Il
n’est évidemment pas question ici de faire de l’érudition historique sur le
problème de l’athéisme : je veux seulement rappeler que diverses dispositions
mentales sont historiquement et socialement à l’origine de l’athéisme et de
l’ignorance, ou du refus, de la vraie religion.
« Spectre
de l’athéisme »
Athéisme
« religieux »
Athéisme
« scientiste »
Athéisme du
zombie sensualiste
J’illustre
avec un exemple.
Ce
sont indiscutablement les pratiques d’examen de conscience et les pratiques de
pénitence qui ont nuancé peu à peu la conscience occidentale.
L’histoire
du christianisme, c’est, entre autres, l’histoire des nuances morales acquises
par l’esprit humain au cours des siècles en Occident.
Ces
faits sont habituellement reconnus même par les historiens et philosophes
athées, plus précisément par les historiens et philosophes athées d’obédience rationaliste.
Les
athées conséquents et rationalistes reconnaissent généralement l’importance
historique fondamentale du christianisme pour le développement de la conscience
humaine, ils le considèrent généralement comme une étape dépassée mais
essentielle de la pensée humaine.
Les
athées irrationalistes et sensualistes sont persuadés à l’inverse que le
christianisme fut un carcan limitant la liberté et ne lui concèdent aucune
fonction historique essentielle, en toute « logique illogique »
d’ailleurs puisqu’ils refusent implicitement de considérer les questions
morales et politiques dans toute leur complexité.
L’athée
intelligent reconnaît au moins ceci que la complexification et
l’ « épaississement » - la complexité et l’épaisseur - de la
conscience, et donc des relations sociales en général, est corrélative du
développement des pratiques d’examen de conscience et de pénitence par le
christianisme.
Pour
l’athée vulgaire, l’histoire n’est qu’un immense terrain où s’entrecroisent et
s’entrechoquent des passions subjectives. L’ensemble n’a aucun sens au-delà des
satisfactions individuelles ou « claniques ». Son horizon est des
plus court.
Je
reviens à mon sujet proprement dit, l’histoire politique récente de la
France et l’apparition d’un nouveau mode de domination idéologique, et je commence
à dessiner le schéma annoncé.
[Catholicisme
intransigeant et marxisme]
Si
l’on accepte de lire les textes et de considérer sérieusement que le marxisme
se veut une théorie de la recherche consciente de la justice sociale, on
perçoit immédiatement au moins ceci qu’il faut exclure le marxisme de la basse
catégorie de l’athéisme jouisseur. Le marxisme dispose, par exemple, de
méthodes spécifiques élaborées ; on peut discuter à l’infini de leur
valeur : on ne peut en aucun cas soutenir de bonne foi que le marxisme est
un sensualisme brutal.
Or
l’athéisme jouisseur et le sensualisme brutal, qui ne se posent pas trop de
questions de conscience avant d’agir, nous les connaissons bien, et ils pèsent
plus lourd aujourd’hui dans nos villes que la dialectique marxiste, si elle est
encore pratiquée, ce qui n’est pas évident. Je veux dire qu’il y a dans les
villes françaises aujourd’hui plus de jouisseurs tordus et de brutes épaisses
que de dialecticiens marxistes ! Et, l’on l’a compris, je veux dire
surtout qu’ils n’appartiennent pas du tout à la même « filière
historique », que leurs mentalités sont antinomiques et sont issues de
processus politiques et historiques totalement différents.
Comment
s’articulent donc précisément christianisme et marxisme ? C’est un sujet
grave qui n’est pas souvent traité avec tout le sérieux et tout l’effort
documentaire qu’il mériterait hors d’un très petit cercle de spécialistes
d’histoire de la philosophie.
Concernant
l’interprétation de l’articulation du marxisme sur le christianisme,
l’articulation historique et spirituelle du christianisme et du marxisme, la
bibliographie spécialisée est immense mais peu connue et exploitée. Non
seulement il est impossible d’exposer les travaux des érudits à ce sujet
mais il est même impossible, dans le cadre de cet article d’exposer un résumé
des synthèses existantes.
Comment
avancer alors ? Eh, bien, je vais apporter un « minimum vital »
sur le sujet qui permettra simplement de comprendre que le problème existe et
qu’il est considérable. Cela suffira, car, ce que je veux montrer ici, on
comprendra pourquoi bientôt, c’est que la doctrine marxiste pose des problèmes
cohérents. C’est tout ! C’est tout et c’est beaucoup à la fois car une
doctrine qui pose des problèmes cohérents appartient indiscutablement au groupe
des doctrines rationalistes, c'est-à-dire tendant à appliquer le principe de
raison. Je le répète : c’est uniquement cela que je veux montrer.
Comment
montrer qu’un problème complexe existe alors même qu’il est trop complexe
pour que sa discussion soit résumée ? J’ai choisi la méthode
suivante : extraire de livres de vulgarisation (le plus souvent des essais
philosophiques ou à prétention philosophique) des citations-choc évoquant le
problème. Il va de soi que je ne n’adhère pas à pas l’ensemble de ces
propositions, d’ailleurs incompatibles entre elles et parfois proches du
délire, et présentées par ces citations courtes sous une forme assez choquante
parfois[1].
Et
à propos des rapports entre le marxisme et la foi, il me semble qu’il suffit de
dire ceci une fois pour toutes : la foi doit résister à l’exposé de toutes
les doctrines, et de tous les arguments, des athées, y compris les plus
« fortes » présentées dans toute leur teneur et toute leur étendue et
non seulement connues en des versions pâlichonnes et édulcorées, ad usum
delphini.
-« En
1214, c’est l’année de la bataille de Bouvines, en Berry, une révolte de serfs
dits « pastoureaux », proclame l’égalité universelle et l’avènement
du Saint-Esprit. »
-« Des
historiens, et non des moindres, ont constaté que toutes ces révolutions
étaient inconsciemment issues de la pensée chrétienne »
-« Sans
le savoir, les révolutions sont, en quelque sorte, la transposition au temporel
d’une part du contenu spirituel du christianisme »
-« Marx
ce sont les marchands chassés du Temple sans retour possible. »
-« Marx,
qu’on le veuille ou non, c’est l’essentiel de la doctrine christique émergeant
dans la réalité quotidienne des peuples. »
-« La
philosophie de Marx réintroduit la morale des Evangiles dans le corps social et
l’y fait vivre. »
-« Lénine
et la Révolution d’Octobre appliquent l’essentiel de la doctrine christique à
un pays représentant un sixième des terres émergées. »
-« Il
n’est dit nulle part que la réalisation de la prophétie christique n’est pas pour
ce monde. »
-« Dans
l’œuvre de Marx, l’athéisme n’est nulle part, jamais formulé. »
-« Reconquérir
un paradis perdu par d’autres voies que celles de la méditation et de la
prière »
-«
Poursuivre l’accomplissement des destinées de l’homme dans sa recherche
collective de Dieu »
-« Surmonter
les formes classiques, sans être ni laissées pour compte de l’histoire, ni sans
objet sur le plan divin »
-« Convergence
entre l’espérance christique et le réalisme progressiste »
-« L’athéisme
n’est pas nécessaire à mon système. » (citation souvent attribuée à Marx)
Quelle
que soit l’appréciation que l’on porte sur ces affirmations, ce qui est
indiscutable me semble-t-il, c’est qu’une doctrine qui ouvre à des débats
philosophiques et historiques d’une telle envergure est d’optique rationaliste.
Je
pense que l’on m’accordera maintenant que christianisme et marxisme ont ceci en
commun qu’il s’agit de doctrines faisant place à la raison[2], de doctrines tendanciellement rationalistes.
Dans les deux cas ne s’agit ni de subjectivisme, ni d’illuminisme, dans les
deux cas nous sommes aux antipodes de l’irrationalisme sensualiste ! Le
marxisme est un système qui peut sembler étrange mais pensé et systématisé, à
prétention scientifique[3]
tout comme la théologie morale par exemple.
Un
autre point considérable transparaît, mais qui est hors de notre sujet[4] :
l’élaboration de la doctrine marxiste ne se laisse peut être pas penser hors du
christianisme !
Remarquons
maintenant pour renforcer notre point de vue qu’un « dialogue » peut
éventuellement s’instaurer entre marxistes et « chrétiens
rationalistes », mais jamais entre marxistes et « chrétiens
irrationalistes » (personnalistes, sensualistes, subjectivistes).
Entre
marxistes et chrétiens rationalistes, il y a des préoccupations communes[5],
un « équipement mental » commun[6].
Entre
marxistes et chrétiens subjectivistes, on ne voit vraiment pas ce que pourrait
être un échange intellectuel !
Continuons
à creuser cette étrange histoire politique récente.
J’ai,
curieusement, rapproché le christianisme et le marxisme, parce qu’ils ont
indiscutablement un point commun qui est le nécessaire usage de la raison.
Comme
souvent pour comprendre plus profondément la réalité, il faut séparer ce qui
semble proche et rapprocher se qui semble séparé. Je poursuis avec la même
méthode. On me dira si l’ensemble est cohérent.
[Marxisme et gauchisme anti-stalinien]
Nous
avons rapproché contre toute attente christianisme (christianisme
intransigeant) et marxisme. Inversement il y a peut être des rapprochement
implicites qui sont à examiner avec un regard très critique.
L’athéisme
marxiste-rationaliste est d’autant plus conscient de ce qu’il doit au
christianisme qu’il s’en veut pro parte la réalisation sur la terre, ce qui
n’est pas peu, ce qui est peut être un pêché d’orgueil démentiel.
Contre
cette prétention rationaliste, des groupes gauchistes ou gauchisants[7]
vont développer un anti-stalinisme, un anti-communisme qui en feront les
meilleurs alliés des ennemis de Moscou, qui sont aussi en l’occurrence les plus
zélés adversaires de la raison et les meilleurs serviteurs du mondialisme
financier.
Les
anti-staliniens ainsi guidés et conseillés auront bientôt jeté par-dessus bord
les problématiques morales et politiques sérieuses[8], et se trouveront confinés dans une
macération individualiste, sensualiste et psychologisante.
Contre
le communisme à tendance rationaliste, certains gauchistes vont développer un
irrationalisme généralisé nécessaire à l'établissement du capitalisme
mondialiste en France.
Ce
sera la fabrication industrielle du bobo, du redoutable néo-bourgeois qui va,
avec un cynisme et une bonne conscience sans précédents dans l’histoire,
capter, accaparer et administrer
l’immense héritage moral lié, à tort ou à raison, à la notion de
« gauche ».
On
vérifie ici qu il y a un abîme mental et moral entre l’athéisme marxiste et
l’athéisme gauchiste ou gauchisant.
Marx
Gauchistes irrationalistes
Conscience historique Zombisme
historique
Conscience
Non-conscience
Morale politique Hédonisme
[Catholiques
intransigeants et chrétiens de gauche]
Ici,
je n’ai rien à apprendre à mes lecteurs ! Une remarque seulement : on
constate que le rapport entre les catholiques intransigeants et les chrétiens
de gauche a quelque chose d’analogue au rapport entre les marxistes et les
gauchistes anti-staliniens. Dans les deux cas, on peut dire qu’il s’agit d’une
opposition à une doctrine constituée par des fractions rétives par principe à
l’usage de l’intelligence et de la raison, jouant ainsi un double jeu particulièrement
odieux et tordu de faux naïfs vraiment haineux.
[Chrétiens
de gauche et gauchistes antistaliniens]
Poursuivons.
De
même que nous avons rapproché catholicisme intransigeant et marxisme pour leur
rationalisme tendanciel (et leur filiation historique), de même que nous venons
de séparer marxisme et gauchisme, de même que l’opposition de fond entre
catholicisme intransigeant et « chrétiens de gauche » nous est
évidemment bien connue, de même il faut sans aucun doute enfin rapprocher la
pensée gauchiste hédoniste et le christianisme de gauche et certaines hérésies
modernistes de type subjectivistes ou personnalistes. C’est indiscutablement la
même disposition mentale irrationaliste et hargneuse qui est à la base de ces
deux types de fonctionnement.
La
religiosité « irrationnelle » (bric à brac religieux, religion à la carte,
syncrétisme, œcuménisme) est strictement équivalente, ou, plus techniquement, strictement
isomorphe, à la politique irrationaliste gauchisante, anti-marxiste et
anti-catholique ! C’est la même disposition mentale, celle de la nouvelle
petite bourgeoisie hédoniste hargneuse qui est à l’origine de ces deux modes de
fonctionnement en apparence très éloignés !
On
pourrait aller plus loin et étudier en détails l’isomorphisme profond
entre le « christianisme de gauche » et l’ultra-gauche anti-marxiste,
et anti-catholique[9].
Ce sont les mêmes structures de pensée, le même recyclage des adultes, les
mêmes notions « humanistes » fourmillantes, creuses et retorses
(tolérance, égalité, accueil, différences), le même confusionnisme
pseudo-moral, les mêmes tendances hystéroïdes, la même duplicité, la même haine
du peuple.
Ou,
en abrégé : il est finalement presque impossible de distinguer un
bavardage humaniste de chrétien de gauche d’un bavardage humanitaire de
gauchiste, la haine d’un chrétien de gauche contre les petites gens de la haine
d’un gauchiste contre le peuple français, une cervelle de chrétien de gauche
d’une cervelle de gauchiste.
Résumons
nos acquis lapidairement : Saint Thomas est sans doute plus proche sous
certains aspects de Marx que d’un gauchiste tiers-mondiste larmoyant ou à
fortiori que d’un charismatique « à l’écoute » de son « moi
profond » ! Sous les apparences, le thomisme est tendanciellement
proche du marxisme (rationalisme) alors que le néo-catholicisme est
tendanciellement parent de l’hystérie politique (subjectivisme) !
[Une
machine de guerre contre la raison [
« Ce
qui tient lieu de politique » depuis la grande décivilisation de 1981 fonctionne
avant tout sur un mode irrationaliste-sensualiste.
Question :
comment en est-on arrivé là alors que les deux grandes doctrines en vigueur en
Occident au XXe siècle furent indiscutablement le christianisme et le marxisme,
c'est-à-dire la vraie religion d’une part, un rationalisme orgueilleux et
plutôt hypertrophié d’autre part ?
Je
pose comme hypothèse lourde qu’il y a eu durant des décennies avilissement
systématique (c'est-à-dire avec idiots utiles, vulgarisateurs, intermédiaires,
répétiteurs) de la théorie et de la doctrine marxiste et du catholicisme,
tendanciellement
rationalistes, pour autoriser l’installation et la généralisation
d’un irrationalisme généralisé.
Et
que cette installation fut la fonction essentielle des -des chrétiens de gauche -des gauchistes anti-staliniens -des esthètes et artistes, par ordre d’entrée
en scène et par ordre d’importance idéologique.
Tous
soutenus par des agences complaisantes.
Je
vais détailler maintenant comment une idée quasi-obsessionnelle fut en
particulier le vecteur et la justification d’un abandon discret et largement
inaperçu des facultés mentales supérieures. Processus discret et pourtant ce
qui a pris la place de l’exercice de ces facultés est notre quotidien : une
sinistre et incoercible bouillie verbale à prétention humaniste.
On
sait que le grief le plus commun et le plus redondant contre le marxiste fut sa
propension au « totalitarisme ». On sait aussi aujourd'hui que cette
notion est restée bien floue.
Or,
ce qui est certain, c’est que très vite s’installa une confusion, un
« glissement sémantique », comme l’on dit, entre totalitarisme,
totalitaire et totalité, totalisation. Puis entre totalitarisme et
rationalisme.
Focalisés
sur les « dangers » d’un « totalitarisme » dont ils
auraient été bien incapables de montrer
l’existence, la plupart des penseurs de ce temps ont su d’autant moins repérer
le véritable danger, l’irrationalisme, qu’ils en participaient implicitement,
ne serait-ce que par cette dénonciation obsessionnelle du totalitarisme !
Remarquons
encore ceci que dans leur critique impitoyable et parfois incompréhensible du
marxisme, les « humanistes » se trouvaient en étrange
compagnie : anarchistes, esthètes, dilettantes et oisifs, et tous les
trafiquants et financiers mondialistes de tous poils. Il y avait unanimité
contre le marxisme, contre une doctrine à tendance rationnelle. Cela pose
singulièrement question !
Le
délire « anti-totalitaire », auquel bien peu d’intellectuels et
d’universitaires n’ont pas fourbi un petit complet mécanique et automatique,
fut en fait essentiellement lui-même un irrationalisme, un délire
anti-rationnel qui visait en principe le soi-disant « totalitarisme »
mais qui atteint essentiellement la rationalité.
Glissement de
l’anti-totalitarisme à l’anti-rationalisme
Totalitarisme
–Totalitaire
I
Totaliser –
Totalisation
I
Raisonner –
Raisonnement
I
Ordonner -
Hiérarchiser
À
qui profitait donc cette peur panique du « totalitarisme », cette
terreur anti-totalitaire générale ? La réponse est simple mais devra être
précisée : à certains « irrationalistes » qui pouvaient avancer
sans bruit[10]
leurs pions.
Une
telle unanimité dans l’attaque d’un ennemi finalement largement fantasmatique,
il faudra y revenir, conduit à penser qu’il est fort probable que des
organisations intéressées agitaient habilement la marionnette du
« totalitarisme » tandis que se mettait en place l’hydre de
l’irrationalisme.
Pendant
que de bons esprits tapaient sur un ennemi imaginaire (le marxisme) se mettait
donc en place l’irrationalisme et le sensualisme généralisés qui n’autoriseront
bientôt pas même l’esquisse de l’ébauche du commencement d’une pensée ordonnée.
J’insiste sur cette hypothèse : on s’occupe de lutter contre un ennemi
bien voyant et bien repéré (l’Armée rouge) et pendant ce temps
« d’autres » s’activent pour mettre en place un front entièrement
différent, attaquant directement l’esprit.
Irrationalisme qui va pénétrer et conquérir
bientôt en toute logique irrationnelle c'est-à-dire en toute liberté débridée,
l’art et la culture, l’esthétique. Ce sera bientôt la culture culturelle,
l’abrutissement culturel permanent, surtout par la musique, qui tiendra lieu de
socialisation. Il faudra détailler longuement.
Pour
l’instant, notons seulement que l’irrationalisme induit par le soi-disant
« anti-totalitarisme » répété et ressassé laisse les individus par un
état « pré-doctrinal » incapables d’appréhender et de soupeser les
doctrines et donc de choisir des options religieuses ou philosophiques en
conscience.
C’est
donc bel et bien conjointement contre les deux conceptions rationnelles ou
tendanciellement rationnelles du monde (christianisme et marxisme) que furent
lâchés les déferlantes de l’irrationalisme sensualiste.
Parce
qu’il s’agissait des deux seuls et uniques systèmes à prétention rationnelle
l’un fondateur, l’autre issu, de la civilisation occidentale qui furent en
« concurrence » tout au long du XXe siècle. La déchristianisation et
la « démarxisation » condamnent à vivre dans un monde aux horizons
courts.
Précision
importante : ma démonstration est sous-tendue par l’idée, ou l’intuition,
ou même l’expérience, que l’irrationalisme débridé peut conduire beaucoup plus
loin dans la confusion, dans l’injustice et dans l’horreur qu’un
« rationalisme hypertrophié » de type soviétique. On commence à
apercevoir dans ce pays quelques dégâts de la déferlante irrationaliste. Mais
ce n’est qu’un modeste début. Il ne faut pas oublier en outre que cet
irrationalisme va concerner, très rapidement, l’ensemble de la planète.
[Conclusions]
1
.
Vers
1960, on observe donc une chose assez singulière : des chrétiens et des
militants de l’ultra-gauche partagent les mêmes phobies, les mêmes manies
verbales, les mêmes mépris, la même hypocrisie. Chrétiens de gauche et
ultra-gauche mèneraient-ils souterrainement, en catimini, le même combat. Et
quel combat ?
Un
combat généralisé contre la raison.
En
gros : après l’introduction d’un confusionnisme moral général
(anti-colonialisme et tiers mondisme masochistes et suicidaires notamment) par
les « chrétiens de gauche » vers 1950, les ultra-gauchistes
(manœuvrés évidemment) furent chargés vers 1970 de poursuivre l’avilissement conjoint
de la théorie marxiste « rationaliste » et du catholicisme
intransigeant et de développer en lieu et place un subjectivisme
irrationaliste, sensualiste, sentimentaliste ; pire : geignard et
pleurnichard.
Ainsi
on été rongés, grignotés, les méchants bourgeois et leurs CRS et les horribles
communistes et leur KGB. La vieille bourgeoisie française et le peuple,
« embrigadé » mais resté peuple, qui constituaient encore vers 1960
deux obstacles sérieux à l’installation en France du capitalisme mondialiste
acéphale.
Il
est piquant d’observer que les chrétiens de gauche et les gauchistes
humanitaires n’ont jamais été en fait que les auxiliaires de police du
capitalisme financier, chargés d’éradiquer des populations entières[11].
2
Les
« communeux »[12]
ont une histoire longue et complexe qui mérite quand même autre chose que
l’exécution en règle et l’oubli définitif. Histoire d’ailleurs inextricablement
liée au christianisme (pourquoi l’a-t-on oublié ou occulté ?) tout au long
du XIXe surtout !
Les
doctrines et les spéculations du peuple qui n’avaient souvent rien de vil, et
en tous cas une longue histoire qui ne permettait pas de mépriser ou d’éluder
d’un tour de main tout ce qu’elles recouvraient, vont se trouver vidées[13],
comme énucléés en quelques années, il ne restera que des orbites vides de toute
substance humaine et vivante qui vont grouiller dès après 1980 de
morts-vivants : des sortes de politiques-zombis[14].
Or,
aucun système n’a été plus ouvertement ou insidieusement calomnié, discrédité
que le marxisme, qui appartient justement, qu’on le veuille ou non, au très
petit groupe des doctrines philosophiques et politiques rationalistes[15].
Il s’agissait donc bien d’en finir avec la part de raison que pouvait inclure
le militantisme populaire.
La
tradition politique du peuple vidée, comme avec une louche, de sa
substance rationnelle, de ce qu’il y avait de sain en elle, on ne trouvait
maintenant à sa place[16]
que l’irrationalisme sensualiste et le cynisme le plus éhonté. Pour se vautrer
dans les pires déjections de l’histoire, les leurs, les pires hommes de France
étaient les meilleurs. Ce fut 1981.
3
Nous
commençons donc à percevoir qui a réellement formé mentalement l’athée
jouisseur et le sensualiste brutaliste évoqués plus haut. Non point Marx, rationaliste
invétéré, rationaliste démentiel, mais les « chrétiens de gauche » et
les gauchistes associés, qui sous couvert de lutter contre un fantôme
bizarroïde, fabriqué pour l’occasion, « le totalitarisme »,
installaient discrètement une société régie par un magma verbal à prétention
morale qui écrase et abrutit les braves gens et glorifie les vermines
Depuis
1981, à l’abri de cet irrationalisme fabriqué, ont pu pulluler les propositions
(il n’y a pas de théories) morales et politiques les plus monstrueuses. Elles
n’ont guère été attaquées, elles n’ont pas été raillées, sifflées et
persiflées. Pourtant, elles ne forment pas un système fort, inexpugnable. Ce
n’est, pour parler clair, que du verbalisme de pétasses hystériques recopié par
des juristes schizoïdes[17]
! L’assurance démentielle[18]
de la néo-bourgeoisie énervée et féminisée qui l’inocule explique seule que ce
langage délirant passe partout et toujours comme une lettre à la poste.
Cette
morale et cette politique visant l’assassinat d’un peuple a donc une double
origine : les chrétiens de gauche et les gauchistes anti-marxistes. Deux
constellations organisées en sous-main par une certaine fraction[19]
de la grande bourgeoisie mondialiste et donc extrêmement bien nanties et très
puissantes.
L’irrationalisme
politique et moral induit par un assaut anti-totalitaire général qui avait pour
fonction réelle d’interdire, par une étrange culpabilisation[20],
d’user de la raison, nous en sommes victimes à temps plein, et nous ne savons
guère comment en sortir, peut-être surtout parce que nous avons oublié
l’histoire de sa fabrication.
[1] Ces citations, que l’on pourrait multiplier, ont été
parfois librement adaptées pour unifier et faciliter la présentation.
[2] Rappel : par delà l’exception mystique, le
christianisme fait obligation d’user de la raison pour l’intelligence des
choses de la foi.
[3] Que cette
prétention soit démesurée est un autre problème.
[5] L’histoire des corporations, de leur suppression et
toute l’histoire de la question sociale aux XIXe et XXe siècle, par exemple. A
un autre niveau, les questions de justice, de droits et en particulier de
justice sociale.
[6] L’usage effectif de la raison.
[8] Pour l’irrationaliste, le sensualiste, le solipsiste, le succès est tout ce dont il a besoin
dans la pratique, laquelle peut alors être considérée comme indépendante de la
connaissance. Traduisons : une
discipline morale systématique élaborée en commun et sur les résultats de laquelle les hommes de bonne foi s’accordent est
tout à fait superflue et parasitaire pour celui qui n’est plus qu’un séducteur,
un magouilleur, un esthète, ou un artiste.
[9] J’ignore malheureusement si un tel travail a été
réalisé par des universitaires.
[10] Façon de parler : sans anticiper sur d’autres développement,
notons que la diffusion permanente de musique industrielle mondialisée est
un élément clef de la stratégie de crétinisation des populations résistantes.
[11] La liquidation
des résistants au capitalisme mondialiste se poursuit à un rythme accéléré.
Désormais repérables dans l’océan de l’irrationalité générale, ils sont en
outre très souvent signalés à la police du mondialisme par les innombrables
collaborateurs de la déclension. Les policiers et délateurs du mondialisme sont
notamment déguisés, aux frais de leurs employeurs, en : ethnologues,
anthropologues, artistes, journalistes, jolies filles – liste non exhaustive.
.
[12] J’emploie ce terme pour éviter celui, discrédité et
souillé pour des siècles, de « socialistes ».
[14]
Ceci est un autre chapitre.
[15] Mais, évidement, le rationalisme marxisme n’épuise pas
la réalité ; c’est un rationalisme partiel, il donne des aperçus régionaux
sur le monde réel, comme toute discipline à prétention scientifique.
Et les limites
de Marx sont dans certaines ambitions, certaines contradictions énormes, et un
optimisme souvent déconcertant.
Contradiction
énorme entre par exemple sa critique acerbe et serrée du droit issu de la
révolution française « bourgeoise » et des droits de l’homme en
particulier et un certain humanisme universaliste larmoyant qui vient
contredire l’idée même de civilisation. Déjà chez Marx…..
Le marxiste ira
échouer et mourir dans les sables mouvants du tiers monde, confondu alors avec
la défense de causes tribales et la haine de l’Occident. Triste fin, pour cette
immense doctrine….
[16] C’est un
point essentiel de mon raisonnement, je me crois donc obligé de préciser à
l’usage de ceux qui refusent catégoriquement de considérer qu’une étiquette
peut avoir cessé de recouvrir les réalités qu’on est persuadé d’y apercevoir
encore, tout simplement parce qu’on retarde de plusieurs guerres : à la
place de la « gauche ».
[17] Ayant perdu la sens de la réalité et se mouvant
uniquement dans un monde abstrait et malade, celui de la ratiocination
juridique formelle en l’occurrence.
[18] Fondée en dernière instance sur les profits
capitalistes redistribués exclusivement entre « amis », entre
nouveaux riches, après élimination des anciennes classes possédantes plutôt
classiques et nationalistes.
[19] Fortement protestantisée.
[20] S’il faut parler crûment : raisonner ou seulement
esquisser une tentative de raisonnement, c’est, depuis longtemps déjà, en
France, laisser transparaître des tendances totalitaires.