On assiste depuis
plusieurs semaines à une extrême polarisation de la scène politique en Tunisie.
La situation s'est exacerbée la semaine dernière avec la proposition
unilatérale du parti Ennahda d'organiser des élections le 23 juin.
Il
faudra d'abord que les partis s'entendent sur la Constitution, le code électoral,
et la commission électorale. « On en est loin », déplore Nejib Chebbi, député
du parti républicain, un parti d'opposition qui compte une vingtaine de sièges
sur les 217 de l'assemblée.
Le
bilan est sombre. Un an après, l’assemblée est profondément divisée. L’alliance
gouvernementale a vu ses deux composantes laïques partir en morceaux, et
Ennahda est de plus en plus isolée. Pire, la violence politique sévit dans le
pays. Et le 23 octobre n’est pas une fête, mais plutôt un moment grave qui
pousse l’élite politique à s’interroger sur l’avenir du pays.
LYNCHAGE
D’UN OPPOSANT
La
semaine dernière, un opposant politique a été lynché à Tataouine. Membre de
Nidaa Tunes, le nouveau parti de l’ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi,
Lofti Naguedh a été tué lors d'affrontements après une manifestation organisée
par les ligues de protection de la révolution, proches du parti islamiste
Ennahda.
«
Des miliciens ont appelé au meurtre des représentants de Nidaa Tunes, dénonce
Taieb Baccouche, porte-parole de Nidaa Tunes. Ils ont dit expressément sur
Facebook que ce n’était que le début ! Je suis parmi ceux qui sont menacés
nominalement dans des journaux qui sont financés par des gens qui sont très
proches du parti au pouvoir ! »
Plusieurs
milliers de personnes ont défilé dans les rues de Tunis lundi pour protester
contre la violence politique, à l’appel d’une coalition de gauche. Elles ont
rejoint un autre cortège emmené par trois autres partis dont Nidaa Tunes, qui
exige que les ministères régaliens soient confiés à des technocrates
indépendants.
« ON
DEMANDE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION »
Ceux
qui avaient fait campagne sur internet et battu le pavé pour obtenir le départ
de Zine el-Abidine Ben Ali, ne partagent pas du tout cette analyse. À l’image
de Makrem, informaticien et aux premières loges des manifestations anti-Ben Ali
de janvier 2011, ils regrettent que les projets de loi qui visent à
criminaliser les atteintes au sacré dominent le débat politique.
«
On s’est révoltés pour la dignité, pour le travail et la liberté, pas pour le
port obligatoire du niqab et la charia ! On demande la liberté d’expression, or
elle est de plus en plus menacée. Les gens se sont appauvris. Cette Assemblée
constituante, au lieu de créer une Constitution qui devrait être un modèle, cherche
à créer de nouveaux problèmes pour détourner l’attention des Tunisiens qui
souffrent de l’augmentation du chômage et des entraves à la liberté
d’expression ».
Ennahda
n'inscrit pas la charia dans les textes mais la société civile et l’opposition
reprochent au parti islamiste sa complaisance vis-à-vis de groupes salafistes
violents, qui ont occupé des centaines de mosquées, attaqué des débits de
boissons et fait annuler des dizaines de festivals sans être inquiétés par la
justice.
Avec
RFI