« Assouplissement
juridique » ou laxisme et reculade ? Les gens du voyage ont remporté
vendredi une demi-victoire juridique avec une décision du Conseil constitutionnel
jugeant contraire à la Constitution française le "carnet de
circulation" qui leur est imposé depuis 1969.
L'abrogation,
43 ans après sa promulgation, de cette disposition relative aux personnes de
plus de 16 ans vivant en permanence dans un abri mobile - voiture, remorque ou
autre - et ne pouvant justifier de ressources régulières, prend effet
immédiatement. Est également abrogée la sanction prévue par la loi de 1969 en
cas de non-respect de cette disposition.
"Imposer
un visa tous les trois mois de ce carnet et punir d'une peine d'un an
d'emprisonnement les personnes circulant sans carnet porte à l'exercice de la
liberté d'aller et de venir une atteinte disproportionnée au regard du but
poursuivi", explique le Conseil constitutionnel.
Les
"Sages" jugent en outre contraire à la Constitution la différence de
traitement des personnes itinérantes, selon qu'elles justifient ou non de
"ressources régulières leur assurant des conditions normales
d'existence".
La
même loi impose en effet un "livret de circulation", à faire viser
une fois par an par la police ou la gendarmerie aux gens du voyage justifiant
de telles ressources, une disposition jugée, elle, conforme à la Constitution
par le Conseil.
Cette
disposition est maintenue et étendue à toutes les personnes itinérantes, quelles
que soient leurs ressources, ce que déplore le directeur de la Fédération
nationale des associations solidaires d'actions avec les Tsiganes (Fnasat).
"On
est très loin d'être satisfait", a déclaré à Reuters Stéphane Lévêque.
"Le Conseil maintient par sa décision les gens du voyage dans un droit
d'exception en France."
"Il
a toiletté un dispositif mais maintient les personnes dans un droit particulier
qui les écarte continuellement du droit commun", a-t-il ajouté. "Il y
a la suppression du carnet mais le maintien du livret de circulation."
Environ
200.000 personnes en France détiennent aujourd'hui des livrets ou des carnets
de circulation.
Le
Conseil avait été saisi le 17 juillet dernier par l'association France Liberté
Voyage d'une question prioritaire de constitutionnalité contestant la
conformité de dispositions régissant la circulation des gens du voyage à la
Constitution.
LE QUOTA
DE 3% MAINTENU
Sur
les dix articles contestés, il n'en abroge qu'un, l'article cinq instaurant le
"carnet de circulation", en censure partiellement deux et en modifie
trois autres en conséquence.
Pour
le reste, les articles contestés par France Liberté Voyage sont déclarés
conformes à la Constitution.
Les
"sages" ne censurent ainsi que partiellement les dispositions relatives
à l'inscription des gens du voyage sur les listes électorales.
Sont
abrogées celles qui imposent aux personnes itinérantes trois ans de
rattachement ininterrompu à une même commune pour être inscrites sur ces
listes, au lieu de six mois pour les autres citoyens. Là aussi les
"sages" contestent une différence de traitement entre catégories
d'électeurs.
En
revanche, le conseil maintient l'obligation générale de rattachement des gens
du voyage à une commune.
"L'obligation
d'avoir une commune de rattachement est une obligation purement administrative
qui ne porte pas atteinte aux libertés invoquées par le requérant", estime
le Conseil.
Il
maintient aussi une disposition prévoyant que le nombre de personnes sans
domicile ou résidence fixe rattachées à une commune ne dépasse pas 3% de sa
population.
S'il
regrette qu'une "très faible partie des dispositions" contestées par
les organisations de défense des gens du voyage aient été abrogées, Stéphane
Lévêque n'en appelle pas moins le gouvernement à profiter des décisions du
Conseil constitutionnel pour engager une réforme plus profonde.
"Nous
souhaitons de toute façon que le gouvernement se saisisse de cette décision
pour se mettre au travail dans un esprit de concertation avec les gens du
voyage, pour arriver aux conditions de l'abrogation définitive de la loi de
1969."
La
poursuite des évacuations de camps de Roms par les pouvoirs publics, malgré le
changement de majorité politique au printemps, et de récentes expulsions
"sauvages" ont relancé la polémique sur la situation de cette communauté
en France.
Avec
Reuters