POLITIQUE
Lettre
ouverte de Marine Le PEN à Bruno LE MAIRE, Ministre de l'Économie et des
Finances.
M
|
onsieur le Ministre,
Le Front National se trouve depuis
quelque temps dans la quasi-impossibilité technique de fonctionner du fait de
la fermeture unilatérale et sans raison autre que politique de son compte
bancaire par La Société Générale. Le Crédit du Nord, filiale de la SG, désigné
par la Banque de France au titre de l’obligation bancaire, s’est exécuté, mais en
privant le parti et le mandataire financier de l’usage de chèques,
d’encaissement par carte bleue ou de prélèvements automatiques. Cette situation
nous empêche techniquement de percevoir les dons, les adhésions ou les
reversements d’élus indispensables à notre trésorerie.■
J’
|
ai trouvé auprès du
président de la République que j’ai saisi de cette question lors de notre
entretien à l’Élysée une attention qui m’a semblé bienveillante. Je l’ai vu
soucieux de l’application de l’article 4 de la Constitution qui garantit le
droit à l’existence des partis politiques et donc les conditions techniques de
leur fonctionnement normal.
De votre côté, comme
ministre de l’Économie, vous avez cru pouvoir proclamer dans la presse et avant
d’avoir recueilli le moindre élément d’information objectif que votre rôle « était de défendre le système bancaire ».
Je ne sais ce que vous avez pu retenir de l’école d’administration que, je
crois, vous avez fréquentée, mais vous avez oublié que le bon fonctionnement de
l’État, tout particulièrement en démocratie, procédait de sa neutralité. Votre
position apparaît extrêmement inquiétante pour tous les Français et notamment
pour les usagers des banques et les contribuables qui renflouent régulièrement
les caisses des banques défaillantes. Cette partialité que vous revendiquez
constitue l’aveu gênant que vous sacrifierez par principe tout intérêt, même
juste, à celui des banques. Cette
profession de foi consternante n’a que le mérite d’une maladroite honnêteté.
Par ailleurs, je me permets
de vous faire observer que cette déclaration pour le moins précipitée précède
les conclusions de la Banque de France et avant même que cette honorable
institution ne nous ait entendus dans le cadre d’une enquête qu’on ne peut
imaginer comme non contradictoire. Il semble que dans votre esprit les
principes de droit et notamment le droit de la défense doivent céder le pas devant
les allégeances qui sont fondamentalement les vôtres. Ce comportement n’est
guère rassurant pour tous les contribuables qui dépendent de vos services et
donc potentiellement de vos instructions.
Ayant
pu constater par le passé, comme tout le monde, la solidité de vos déclamations
et les opportuns revirements politiques qui vous ont permis de vous hisser au
poste où vous êtes, je garde un secret espoir que vous puissiez revoir votre
position.
►Au-delà de son cas propre qui est le
révélateur d’un abus de position dominante de la part des banques, le Front
National entend poser la question de la moralisation du système bancaire :
comment admettre que l’on puisse laisser les banques augmenter leurs tarifs
unilatéralement, ponctionner sur les comptes des frais opaques, voire indus,
effectuer des placements douteux, refuser aux entreprises les crédits dont
elles ont besoin pour financer les investissements et donc l’emploi, s’adonner
au casino boursier au risque d’effondrer l’économie comme ce fut le cas par le
passé… ?
Plus graves sont les
comportements qui relèvent de l’indignité morale et même de l’infraction pénale
et qui conduisent les banques à adopter des pratiques humiliantes pour les plus
vulnérables, à pratiquer la discrimination notamment à l’égard des malades, à
organiser la fraude et la «
délocalisation » fiscales ou même à financer le terrorisme.
Ce débat s’imposera à la
société, comme se posera la question de la démocratie si un parti d’opposition
français, comme le nôtre, devait être contraint à l’exil bancaire pour fuir les
persécutions ou, plus simplement, pouvoir continuer à fonctionner.
Je vous prie d’agréer,
monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments distingués.■
Marine
Le PEN
Présidente
du Front National