Le ministère de
la Culture a annoncé la conclusion de deux accords, signés entre la
Bibliothèque nationale de France et des firmes privées, pour la numérisation de
corpus de documents appartenant pour tout (livres anciens) ou partie (78 et 33
tours) au domaine public.
Les
fonds concernés sont considérables : 70 000 livres anciens français datant de
1470 à 1700, ainsi que plus de 200 000 enregistrements sonores patrimoniaux.
Ces accords, qui interviennent dans le cadre des Investissements d’avenir et
mobilisent donc de l’argent public, vont avoir pour effet que ces documents ne
seront pas diffusés en ligne, mais uniquement sur place à la BNF, sauf pour une
proportion symbolique.
Ces
partenariats prévoient une exclusivité de 10 ans accordée à ces firmes privées,
pour commercialiser ces corpus sous forme de base de données, à l’issue de
laquelle ils seront mis en ligne dans Gallica, la bibliothèque numérique de la
BNF. Les principaux acheteurs des licences d’accès à ces contenus seront des
organismes publics de recherche ou des bibliothèques universitaires, situation
absurde dans laquelle les acteurs du service public se retrouveront contraints
et forcés, faute d’alternative à acheter des contenus numérisés qui font partie
du patrimoine culturel commun.
Les
conditions d’accès à ces éléments de patrimoine du domaine public seront
restreintes d’une façon inadmissible par rapport aux possibilités ouvertes par
la numérisation. Seule la minorité de ceux qui pourront faire le déplacement à
Paris et accéder à la BNF seront en mesure de consulter ces documents, ce qui
annule le principal avantage de la révolution numérique, à savoir la
transmission à distance. Partout en France et dans le monde, ce sont les
chercheurs, les étudiants, les enseignants, les élèves, les amateurs de
culture, les citoyens qui se trouveront privés de l’accès libre et gratuit à ce
patrimoine.
La
valeur du domaine public réside dans la diffusion de la connaissance qu’il
permet et dans la capacité à créer de nouvelles œuvres à partir de notre
héritage culturel. Sa privatisation constitue une atteinte même à la notion de
domaine public qui porte atteinte aux droits de chacun.