TRIBUNE LIBRE
Alors que nombreux furent ceux à se réjouir
de la nouvelle année « économique »,
les marchés financiers ne l’entendent pas de cette oreille et affichent des
pertes comprises entre 5% et 15% selon que l’on soit en Europe, aux États-Unis
ou en Chine. Les raisons invoquées sont
nombreuses, mais il s’agit vraisemblablement de la conjonction des facteurs
suivants : une baisse persistante des cours du pétrole, une révision de la
croissance chinoise, la fin de la politique monétaire « trop » souple des États-Unis, et les tensions géopolitiques au
Proche-Orient et en Asie.
Si l’attention des opérateurs reste orientée
vers la Chine et le ralentissement économique des pays émergents (comme la baisse de 8,3% de la production
industrielle au Brésil en 2015), la chute importante de nombreuses devises
de ces pays pèse sur leurs importations en provenance de la zone euro. La
baisse de la production d’acier et d’électricité en Chine est la plus forte de
ces 10 dernières années. La surcapacité dans ces secteurs s’ajoute à celle du
charbon : l’industrie ralentit très
fortement et les licenciements se comptent par millions !
Pour tenter de limiter la perte de richesse
globale, la Chine tente de dévaluer sa devise, alors que cela s’avère
inefficace : l’élasticité de la demande de produits concurrentiels est faible.
En injectant des liquidités, en manipulant ses marchés financiers par des
interventions, la Chine ne fait que renforcer la défiance vis-à-vis de son
système financier et sa capacité à surmonter la crise économique.
Quand
l’Oncle Sam tousse…
La déconnection permanente entre le monde
financier et la réalité économique est une évidence : les chiffres économiques
outre-Atlantique soufflent le chaud et le froid. L’emploi reste dynamique, avec
un taux de chômage toujours faible mais les disparités de revenus augmentent.
Les experts restent divisés quant à savoir si
l’économie des États-Unis est en ralentissement ou en récession. La consommation,
véritable moteur de croissance, bénéficie de la baisse importante des prix du
pétrole. Les ménages ont consommé à un
rythme annuel de 3% contre moins de 2.5% sur base des 6 derniers mois. Par
ailleurs la force du dollar entraîne également une baisse des exportations ce
qui pèse sensiblement sur l’industrie manufacturière. À cela s'ajoute la
faiblesse persistante de l'investissement des entreprises, sans parler d'un
affaiblissement constant des gains de productivité. Autant de facteurs qui
expliqueraient une croissance autour de 1,5% en 2016, contre 2.5 à 3% norme
considérée satisfaisante en Europe mais pas aux États-Unis.
En décembre 2015, on notait une très faible augmentation des
dépenses de construction aux USA, alors que le chiffre du mois de novembre a
été révisé en baisse à - 0,6%. Et en
janvier, l’indice ISM manufacturier s’est contracté pour le 4ème mois
consécutif, ce qui confirme la faiblesse des ventes.
La préoccupation de nombreux économistes
reste le manque de reprise de l’activité mondiale malgré les efforts conjugués
des gouvernements et l’utilisation de tous les moyens à la disposition des
banques centrales en particulier la politique monétaire. Tant les autorités chinoises que la BCE (banque centrale européenne) ou
la banque centrale américaine (FED) injectent des milliards dans le système
financier sans parvenir à relancer durablement l’économie.
À cet égard, l’exemple du Japon est
particulièrement saisissant : depuis le début des années 90, soit plus de 25
ans déjà, la BOJ utilise l’arme des taux pour tenter de relancer la
consommation : fiasco total. Ce qui n’a pas empêché la Banque centrale
japonaise de décider encore d’accroître sa base monétaire de 675 milliards de
dollars en rythme annuel par des acquisitions d’obligations d’État. Cette
politique monétaire va entraîner de facto une dévaluation du yen et contraindre
les autres banques centrales à dévaluer leur devise respective, ce qui va
conduire à un ralentissement plus marqué de la croissance mondiale…
Les
économies européennes et américaines ont déjà emboité le pas avec le même
insuccès.
La relance par l’investissement privé semble une solution
durable et efficace, mais l’un des préalables passe par la hausse des taux
d’intérêt. En effet, les investisseurs comme les assureurs ou les fonds de
pension, compte tenu des taux d’intérêts quasi nuls, ne peuvent qu’investir
dans des actifs plus risqués : immobilier, actions et marginalement des projets
d’infrastructures.
De même, les effets pervers de la réglementation et
de la faiblesse des taux d’intérêt obligent les banques à limiter l‘octroi
de prêts et poussent les gestionnaires de fonds à se substituer aux banquiers
(shadow banking). Or le métier des gestionnaires n’est pas de prêter de
l’argent, car ces intermédiaires n’ont pas les connaissances indispensables et
suffisantes pour gérer cette activité. En outre, la faiblesse de leurs fonds
propres constitue un danger en regard des risques pris dans leur activité de
prêts. Les autorités régulatrices devront à nouveau encadrer ou limiter cette
activité.
Depuis plusieurs mois, l’inquiétude gagne un
nombre croissant de gestionnaires de fonds. En effet, indépendamment de la
conjoncture, la structure même des marchés financiers se modifie : les
participants n’ont plus le même rôle, les banques ne peuvent plus effectuer des
opérations pour leur propre compte et les banques centrales exercent une
influence significative en rachetant des emprunts et dettes diverses. Enfin, la
capacité à vendre des actifs dans des conditions de marchés normales se réduit
: les prix fluctuent plus amplement et les volumes se contractent et, en cas de
ventes massives par les investisseurs, la baisse se fera plus importante.
De plus, le marché des obligations de
sociétés aux États-Unis, en particulier celui des « Junk bonds » connaît une contraction significative, en liaison avec
la baisse des prix du pétrole. Parce que de très nombreuses sociétés actives
dans le secteur de l’énergie ont émises des obligations à haut rendement. Ces
obligations étaient recherchées par les investisseurs en quête
d’investissements importants. La chute des prix du pétrole entraînent une
baisse des revenus de ces sociétés dont la capacité de remboursement de leurs
dettes est donc rendue quasi caduque. En conséquence, les investisseurs se
désengagent de ce secteur, parfois avec de lourdes pertes.
N’oublions quand même pas que la dette publique
des États-Unis augmente maintenant de 67 milliards par semaine soit 3.500
milliards $ par an !!! (www.USdebtclock.org)
QUI va
payer ? QUAND cela va-t-il s’arrêter ou… exploser ?
…L’Europe
éternue.
Au cours du mois de janvier, les cours de
Bourse des principales banques italiennes ont chuté de près de 30%, suite au « mauvais » accord conclu entre la
Commission Européenne et le gouvernement italien. En effet, le mécanisme de
garantie publique ne s’apparente pas aux « bads
banks » mises en place en Irlande ou en Espagne lors de la crise
financière. Les banques ne pourront se débarrasser que d’une partie de leurs
créances douteuses, mais dans quelles conditions et à quels prix ? De plus les
banques moins « systémiques »
devront passer ces créances en pertes et se recapitaliser si besoin est.
Enfin, la BCE reste inquiète quant à la
capacité des banques européennes en particulier celles du sud de la Zone Euro à
maintenir une rentabilité suffisante. En effet, le métier d’intermédiation
consiste à gagner de l’argent sur le différentiel des taux longs par rapport
aux taux courts. Or depuis qu’elle a engagé sa politique d’assouplissement
quantitatif, de taux zéro et de planche à billets, la BCE réduit encore plus
cette marge, grevant un peu plus la rentabilité du secteur bancaire. Les
sources de rentabilité proviendront-elles d’un abaissement des critères
d’octroi des crédits, de l’utilisation de financements à taux quasi-nul à court
terme et/ou d’une prise de risque excessive ?
L’édifice financier de la planète commence à se lézarder, mais nos
responsables se gargarisent de bons mots, évoquant un mauvais moment à passer.
D’ailleurs, en Belgique, les autorités se veulent rassurantes quant à l’examen
réussi haut la main par les fonds de pension. «
L'objectif de ce test était d'analyser la résistance du secteur
européen des fonds de pension face à des secousses provoquées par des crises
sur les marchés financiers »,
précise la FSMA, l’autorité belge de supervision des marchés. Même en cas de
situations extrêmes sur les marchés financiers, les fonds de pension belges
résisteront bien. Dans ce cas, la garantie d’État devrait jouer, le risque
étant si faible ! Pourquoi les affiliés de ces fonds ne proposeraient-ils pas
cela ?
Comme je l’avais indiqué dans un article
précédent, d’autres indicateurs laissent à penser que les dérives financières
et bancaires imposées par les gnomes de Wall Street ont des effets directs sur
l’économie mondiale à court et moyen terme.
Le Baltic Dry Index (BDI) reflète la santé
des transports maritimes entre les continents. De 632 points le 2 février 2015,
il est tombé à 298 points ce 5 février 2016, soit une chute de 53% ! Depuis le
1er janvier il est passé de 478 points à 298 soit une baisse de 38% en
seulement 5 semaines, ce qui signifie une catastrophe dans l’affrètement des
cargos vraquiers (du type du Modern Express sauvé in extremis d’un naufrage sur les côtes landaises) et
l’annonce d’un fort recul des marchandises transportées pour les mois à venir.
Apparemment, les
eurocrates de Bruxelles et les princes qui nous gouvernent n’ont pas la même
anticipation, car leur vision est transformée par les lunettes roses du « vivrensemble », du « padamalgam », du multiculturel, du
politiquement correct et de la Nouvelle Religion « droits-de-l’hommiste », seules obsessions qui accaparent leurs
neurones.
Heureusement, de plus en plus d’analystes
commencent à s’inquiéter et tirent la sonnette d’alarme pour ce qui s’annonce
comme une nouvelle « bulle » bien
plus importante que celle qui avait éclaté en 2008, avec les conséquences que
nous connaissons.