TRIBUNE LIBRE
Dans une Libye disloquée par une guerre de tous contre tous, trois gouvernements s’opposent. A Tobrouk, siège la Chambre des représentants reconnue par la communauté internationale ; à Tripoli est installé le parlement de Salut national sous influence des islamistes d’Abdelhamid Belhadj et des Frères musulmans de Misrata.
Quant au Gouvernement d’union nationale constitué le 19 janvier 2016
sous les pressions de l’ONU par le Conseil présidentiel de neuf
membres dirigé par Fayez el-Sarraj, il n’est pas parvenu à se faire reconnaître
par les Libyens. Composé de plus de trente membres, il a en
effet été rejeté par les deux parlements rivaux de Tobrouk et de
Tripoli.
Prié de « revoir sa copie »,
le 14 février, Fayez el-Sarraj a présenté un nouveau gouvernement de 13 membres
plus cinq secrétaires d’Etat, dans lequel, en principe, chaque grande faction
libyenne est représentée. Cependant, deux des neuf membres du Conseil
présidentiel se sont opposés à sa composition. Il s’agit d’Omar lassoued
(Omar Al Aswad), représentant de Zenten et d’Ali Kotrani (Ali al Gatrani) de
Tobrouk qui reprochent à ce gouvernement de faire la part trop belle
aux Frères musulmans de Misrata et aux islamistes de Tripoli.
La composition de ce Gouvernement d’union nationale a
également buté sur le portefeuille de la Défense qui était brigué à la fois par
le général Haftar, le chef de l’armée de Cyrénaïque soutenu par l’Égypte, et
par l’ancien bras droit de Ben Laden, Abdelhakim Belhaj, le chef du GICL
(Goupe islamiste de combat de la Libye) une des plus puissantes milices
islamistes de Tripoli, soutenu par la Turquie et le Qatar.
Finalement, le portefeuille est revenu au
colonel Mehdi Brahim Barghethi (Mahdi al-Barghati), proche du gouvernement de
Tobrouk mais que certains observateurs pensent être en froid avec le général
Haftar. Quant au ministère de l’Intérieur, il a été attribué à El Aref Salah
Khouja (Salel al-Khoja), un lieutenant d’Abdelhakim Belhaj. Les forces de
sécurité libyennes vont donc dépendre de deux chefs dont les objectifs sont à
l’opposé… La coupure entre la
Tripolitaine et la Cyrénaïque est donc inscrite dans les faits.
Concernant les autres ministères, chaque
région, chaque grande faction a en
principe obtenu d’être représentée. Dans cette dilution de l’État, certains
sont favorisés, comme les Frères musulmans de Misrata,
inconditionnellement appuyés par la Turquie et le Qatar. D’autres sont
marginalisés, comme Zenten, qui détient prisonnier Saïf al Islam, le fils du
colonel Kadhafi. De fait, la
Tripolitaine est donc partagée entre Frères musulmans de Misrata et
Milices de Tripoli apparentées à Al Qaïda. Le nouveau gouvernement
devant s’installer à Tripoli, il sera donc, de fait, sous le contrôle de ces
derniers, d’où d’inévitables tensions avec les forces de Cyrénaïque.
Mais peu importe ce
bricolage issu d’un quasi marchandage de souk puisque la « communauté
internationale » a enfin réussi à mettre en place une autorité
« légale » qui va pouvoir lui demander d’intervenir contre
l’État islamique. Une intervention
refusée par l’Algérie et la Tunisie mais qui va se faire au profit
des Frères musulmans et des diverticules d’Al Qaïda qui
contrôlent la Tripolitaine. Tous espèrent que les forces spéciales
occidentales les débarrasseront de l’État islamique afin qu’ils puissent
reprendre ensuite leurs guerres internes et continuer à s’enrichir en
acheminant des « migrants » en Europe.
Regardons
en effet les choses en face : le résultat de la calamiteuse guerre décidée
en 2011 par Nicolas Sarkozy et BHL est que, aujourd’hui, nous allons intervenir
en Libye, certes contre l’État islamique, mais d’abord au profit
d’une coalition rassemblant Al-Qaïda et Frères musulmans…