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es places financières européennes ont violemment décroché hier. Avec
le risque italien, c'est tout l'édifice de soutien à la zone euro qui se
trouve à nouveau fragilisé.
Confusion
extrême en Italie, vent de panique sur les marchés, appel au calme des
autorités européennes… La zone euro a renoué avec ses vieux démons au lendemain
des élections italiennes. L'impasse politique dans laquelle est plongé le pays,
ingouvernable à l'issue d'un scrutin marqué par une forte poussée du vote
anti-austérité, a brutalement ramené les investisseurs à la réalité. L'accalmie
qui régnait depuis des mois sur les marchés, notamment grâce à l'action de la
Banque centrale européenne (BCE), a vite cédé la place aux craintes et aux
doutes sur la solidité du dispositif anticrise dans la zone euro. « Le
scrutin italien a débouché sur l'un des pires résultats possibles pour les
marchés », résumaient en chœur les économistes.¢
RISQUE DE CONTAGION
Wall
Street a été la première à en prendre acte, lundi soir. Les places asiatiques
ont suivi, de même que toutes les Bourses européennes hier. Paris a chuté de
2,67 %, Francfort de 2,27 %, Londres de 1,34 %. La Bourse de
Milan a plongé de 4,89 %, la chute atteignant même près de 8 % depuis
lundi après-midi ! Mais le regain de tension se lit surtout sur les
marchés de la dette.
E La zone euro est de nouveau coupée
en deux : les investisseurs se sont repliés sur les emprunts considérés
comme les plus sûrs - ceux de l'Allemagne et de la France dans une moindre
mesure - et ont déserté ceux de l'Italie et de l'Espagne, dont les taux
sont remontés en flèche.
Rome
voit ainsi ses taux d'intérêt se rapprocher dangereusement de la barre des
5 %. Hier, le Trésor italien a émis de la dette à 6 mois à des taux
qui ont quasi doublé (1,24 %) en un mois. Il va passer un nouvel examen
dès aujourd'hui en tentant de lever de la dette à 5 et 10 ans. L'Espagne a
aussi vu ses taux s'envoler, un ministre évoquant ouvertement le risque d'une
contagion de la crise italienne. Les investisseurs tentaient dès hier
d'échafauder des hypothèses en Italie - différents types de coalition,
gouvernement « technique » ou nouvelles élections -, mais aucune
solution ne semble s'imposer. « L'instabilité politique va
probablement se poursuivre à court terme et ralentir la mise en œuvre des
réformes structurelles nécessaires », craignent les économistes de
Barclays.
L'EURO GLISSE À
1,30 DOLLAR
Cette
crise éclate alors que la péninsule est fragilisée par près de deux années de
récession et une énorme dette de quelque 2.000 milliards d'euros, pesant
plus de 120 % du PIB. Les marchés redoutent qu'une Italie sans gouvernail
interrompe ses réformes, se laisse aller à des dérapages budgétaires et soit à
nouveau dégradée par les agences de notation. L'agence Standard & Poor's a
toutefois précisé dans la soirée que la note du pays n'était pas affectée dans
l'immédiat par le résultat des élections. Le pays, qui doit lever
190 milliards d'euros de dettes de moyen et long terme cette année, ne
peut pas se permettre d'être piégé trop longtemps dans une impasse politique.
E « Si cette situation perdure et
que les partis échouent à s'entendre sur une grande coalition, la probabilité
que l'Italie requière une assistance financière augmentera », poursuivent
les économistes de Barclays. Or comment négocier une aide en l'absence de
gouvernement ?
Les
autorités européennes ont demandé à Rome de continuer sur la voie des réformes
et des efforts de désendettement. Mais elles semblent avoir pris conscience de
la fragilité de tout l'édifice de soutien à la zone euro - le mécanisme de
stabilité, le plan de rachat de dettes de la BCE, l'union bancaire… « La
mise en œuvre des réformes institutionnelles nécessaires, surtout l'union bancaire,
aurait été très difficile quoi qu'il arrive. Mais y parvenir avec des
gouvernements ayant peu de légitimité le sera encore plus. Un gouvernement
italien faible sera un poids de plus au passif de l'Europe », notent les
analystes d'UBS. Il n'y avait guère qu'une bonne nouvelle à retenir hier.
E À 1,30 dollar, l'euro a effacé
ses gains de l'année. De quoi réjouir ceux qui le trouvaient trop fort.¢
Les
Échos (posté par Marino)