Le combat du Mali
contre les islamistes, avec l'aide de la France et bientôt d'une force africaine
remet le projecteur sur l'insurrection djihadiste Boko Haram, toujours obscure
au Nigeria, et sur les liens entre les extrémistes des deux pays.
Le
Nigeria compte envoyer 1.200 hommes au Mali et prendre le commandement de la
Mission internationale au Mali (Misma), mais le pays est menacé sur son propre
sol par le groupe extrémiste, surtout dans le nord.
Si
les groupes armés islamistes liés à Al-Qaïda ont établi des sanctuaires dans le
Nord au Mali, la situation est cependant très différente au Nigeria. Ce
pays le plus peuplé d'Afrique, premier producteur de pétrole du continent,
combat Boko Haram dans sa forme actuelle depuis 2010, mais on en sait très peu
sur la structure de ce groupe et sur ceux qui le dirigent, leurs revendications
ayant déjà changé plusieurs fois.
Les
islamistes nigérians se sont concentrés jusqu'à présent sur leur pays, tuant
des chrétiens et prenant pour cible des symboles du pouvoir au cours de
fusillades et d'attentats. Ils n'ont pas le contrôle d'une partie du territoire
comme c'est le cas au Mali.
De
plus, Boko Haram est divisé en plusieurs factions et des bandes criminelles se
font passer pour lui. On pense également que le mouvement dispose de
complicités dans le monde politique.
Néanmoins,
le chef de la faction principale de Boko Haram, Abubakar Shekau, a exprimé récemment
son soutien pour les djihadistes dans le monde.
Un
ou plusieurs groupes dissidents de l'organisation sont soupçonnés d'être
derrière les enlèvements de ressortissants français, italiens, britanniques et
allemands dans le nord du Nigeria, une tactique largement utilisée par Al-Qaïda
au Maghreb islamique (Aqmi).
"Nous
avons des indications très claires d'une collaboration entre les différentes
organisations" djihadistes, a déclaré récemment le général Carter Ham,
chef du commandement américain pour l'Afrique, en faisant référence aux groupes
extrémistes sur le continent africain.
"Nous
pensons que Boko Haram reçoit un soutien financier et probablement des entraînements
et des explosifs, de la part d'Aqmi, et la relation va dans les deux
sens", a-t-il ajouté. Le général Azubuike Ihejerika, chef de l'armée de
Terre, a aussi évoqué jeudi des informations selon lesquelles des membres de
Boko Haram se seraient entraînés au Mali.
Les
experts débattent du niveau de coopération entre Boko Haram et les groupes
proches d'Aqmi.
Certains
ont aussi évoqué la présence de combattants de Boko Haram au Mali ces derniers
mois, mais il est très difficile de déterminer s'il s'agit bien de membres du
groupe nigérian et non de mercenaires.
Des
Africains qui avaient combattu en Libye aux côtés de Mouammar Kadhafi se sont
notamment retrouvés dans le nord du Mali, selon des experts, et des armes
illégales ont pris le même chemin.
"Des
Noirs Africains qui travaillaient en Libye ont quitté la Libye (...), on peut
imaginer le fait de participer à un groupe armé comme une opportunité
financière", selon Gilles Yabi, directeur du projet Afrique de l'Ouest
pour l'International Crisis Group.
Mais
la nature nébuleuse de Boko Haram rend plausible la présence de certains de ses
membres aux côtés des combattants du nord du Mali.
"Je
ne serais pas surprise si certains des membres les plus radicaux de Boko Haram
avaient pris les armes (au Mali)", estime Virginia Comolli, de l'Institut
international d'études stratégiques basé à Londres.
Les
États-Unis ont référencé trois islamistes nigérians sur la liste des
"terroristes à l'échelle mondiale", mais Boko Haram n'y figure pas,
en tant que tel, notamment parce que le groupe reste toujours focalisé sur le
Nigeria, et que sa nature reste floue.
Avec
la guerre au Mali, certains s'inquiètent du risque que d'éventuels combattants
islamiques nigérians au Sahel feraient peser sur le pays à leur retour au pays.
"Une
fois rentrés au Nigeria, ils pourraient ramener avec eux de nouvelles
perspectives", pense Mme Comolli.
Avec
AFP