S’il y en a un qui a
retenu la leçon, c’est bien Jean-François Copé, actuel secrétaire général de
l’UMP et candidat à la présidence de ce parti. Quelle leçon ? Celle qu’a
érigé en modèle de conquête élyséenne Nicolas Sarkozy, le premier président de
ce parti, justement.
À
défaut d’avoir brillé durant son quinquennat à la tête de notre pays, celui-ci
était passé maître dans l’art de la communication, soit, pour parler comme les
« djeuns » –et comme les moins « djeuns » d’ailleurs – de la manière
de « faire du buzz ». Et pas seulement sur Internet.
La
déclaration-menace de JFC de faire descendre dans la rue « les Françaises
et les Français qui s’indignent et qui s’inquiètent pour l’avenir de notre pays
et des enfants de France » a fait mouche : toute la gauche s’est
immédiatement étranglée d’indignation… et son rival François Fillon en est
resté muet de stupéfaction !
La
droite dans la rue ! En voilà une idée ! Une idée saugrenue pour
certains, jugée peu convenable par les plus bourgeois dans les rangs UMP… et carrément
odieuse par la gauche qui voit là un véritable hold-up sur ses traditions.
Car
pour la gauche et ses ténors, elle seule est habilitée à occuper les
rues pour brailler… Voilà maintenant plus de six décennies qu’elle s’est approprié
le monopole du bitume et c’est au moment où elle contrôle la totalité des
institutions politiques, qu’elle a réalisé le Grand Chelem des victoires
électorales, qu’un malappris lui dispute son terrain de revendications
habituels.
Ceux
qui ont quelques connaissances historiques savent qu’avant la dernière guerre
mondiale, la rue était loin d’appartenir à la gauche… De l’Action française aux Croix-de-Feu,
puis au Parti social français du colonel
de La Roque, en passant par de multiples autres formations plus ou moins
importantes, mais plus nationales que socialistes, c’était à celui qui
tiendrait le pavé le plus haut… Et le 6 février 1934, il s’en est fallu d’un
pont que les députés faillis soient « pendus à la lanterne »… D’un pont et d’un
chef !
Mais
ce n’est sans doute pas à cette époque-là que songe Jean-François Copé. Ses
connaissances historiques de la France ne vont pas s’y loin. Lui se contente de
songer au défilé de 1984 contre le projet de loi Savary, à Versailles, où un
million de personnes avaient manifesté pour la défense de l’école
libre. Le projet de loi visant à la création d'un grand service public de
l'éducation, projeté par Alain Savary, alors ministre de l'Éducation
nationale, fut alors retiré par François Mitterrand. La rue avait fait
reculer le Pouvoir. 30 ans après, la gauche en fait encore des cauchemars.
On
imagine donc la terreur des caciques à la rose sous le nez desquels le
responsable de l’UMP agite le spectre de manifestations possibles pour
contrecarrer les projets de lois accordant le droit de vote aux immigrés ou le
mariage des couples homosexuels et leurs droits à l’adoption d’enfants.
Il
est facile de brandir des sondages affirmant qu’une majorité de plus en plus
grande de Français est favorable à ces deux mesures… Mais sans doute serait-il
plus difficile d’ignorer des centaines de milliers de Françaises et de Français
qui battraient le pavé pour affirmer leur opposition à de tels obsessions
spécifiques d’une France d’en haut sortie de l’ENA ou des rangs trotskystes…
Imaginons une
manifestation contre le droit de vote des immigrés au premier rang de laquelle
défileraient les ex-salariés d’Hermès-Métal, de Carrefour, de Viveo, de PSA, de
Cofinoga, de la sidérurgie lorraine, etc., etc.
Et
une autre contre le mariage et l’adoption accordés aux couples homosexuels dans
laquelle se côtoieraient catholiques, musulmans et juifs, tous unis, pour un
jour et une cause, tous choqués pareillement en leur âme et conscience face à
une réforme qui bouleversera la structure familiale, fera disparaître les
notions de père et mère du Code civil et engagera l’avenir de milliers
d’enfants…
En mai 68, c’était
sous les pavés, la plage… et désormais, sur le bitume, si c’était le
peuple ? Chiche !
Philippe Randa est
écrivain, chroniqueur politique et éditeur (www.francephi.com).