Jacques Attali est
connu de tous. Il passe si souvent à la télévision qu’il semble habiter dedans.
C’est un économiste du siècle dernier, qui a beaucoup contribué à la pensée de
François Mitterrand. C’est pour cela qu’il restera dans l’histoire, ainsi que pour
ses tentatives désespérées et désespérantes de diriger des orchestres
symphoniques en public alors qu’il ne sait pas le faire.
Mais
la question n’est pas de savoir si Jacques Attali a l’oreille absolue, ou
encore de savoir si Baltique, le labrador présidentiel, a été le nègre d’Attali
pour sa série d’ouvrages mitterrandolâtres “Verbatim”, mais de savoir si le
grand Jacques tient encore la route… en novembre 2011, prenant des postures de
prophète ou de sage des montagnes (la barbe lui est poussée…) il prédisait de
manière tonitruante la fin de l’euro “avant Noël”. Nous abordons Noël 2012 et
l’euro est toujours là. Mais, infatigable, l’économiste au regard qui pense est
revenu à la charge il y a quelques jours pour proposer la réforme du siècle que
le peuple de France appelait ardemment de ses vœux : le droit de changer librement de prénom !
On
lit dans une tribune qu’il signe sur Slate.fr : “En
ces temps de réflexion sur les libertés nouvelles que chacun pourrait se voir
accorder, il en est une, à laquelle nul ne réfléchit assez, à mon sens, qui
concerne l’identité. Pourquoi faudrait-il accepter le nom, et le prénom que nos
parents nous imposent ? ” Ah la belle idée ! Ah ce droit de rompre
symboliquement avec son patronyme et le prénom que nous ont donné nos parents !
Il faut dire que les années 2000 et la télé-réalité ont déjà beaucoup fait pour
la destruction du patronyme… Dans les écrans ce ne sont plus que Loana,
Jean-Edouard et bourriquet… ! Il restait à détruire la symbolique du prénom… “Je
propose - écrit le sage – de modifier (le) code civil, pour affirmer
qu’il appartient à chaque personne, à partir de l’âge de 18 ans, de choisir
librement son prénom.” Il sera ainsi possible de céder à la
dernière mode, de prendre le prénom de son acteur préféré (si nos parents nous
ont donné celui de leur personnage de sitcom favori)… et d’abolir ce qui
faisait du prénom ce lien intime à ceux qui nous ont enfantés. “Les
prénoms diront alors non pas ce que nos parents ont rêvé pour nous mais ce que
nous rêvons pour nous-même, ce qui est, sans doute, au moins aussi important.” Le
jeune, ivre de lui-même, pourra se rêver pleinement autonome, de génération
spontanée ; il pourra se prendre pour son propre géniteur… celui qui se donne
lui-même son prénom.
Mais
le philosophe sait nous rassurer : “Il doit cependant y avoir une limite à
cette liberté, comme à toute autre: on ne peut aller jusqu’à consommer des
prénoms comme des objets de mode, en en changeant chaque année.”
C’est
là que l’on regrette que le progressisme béat de Jacques Attali, et son désir
barbare de liberté, n’ose pas aller jusqu’au bout du ridicule. Nous proposons
pour notre part la mise en place d’un “chèque prénom” permettant d’en changer
six fois par ans, la mise sur pieds d’une commission nationale des prénoms
citoyens et éco-conscients, ainsi que l’obligation légale pour chaque jeune
personne, dès l’âge de 18 ans, non seulement de se choisir un nouveau prénom,
mais aussi un nouveau sexe, et de nouveaux parents. Tout se dissoudra
magnifiquement dans la religion de la nouveauté, de l’à ma guise, et du
changement-maintenant… Et tous les “Jacques” pourront se faire appeler “Jack”.
Causeur.fr