Ne me demandez pas
pourquoi ou comment, mais je viens de regarder en totalité et en direct la
conférence de presse du Président François Hollande. Je n'aborderai pas ici les
questions de fond: cela n'entre pas dans le périmètre de ma compétence et
encore moins dans celui de ce blog.
En
revanche, mon regard américain sur le style et la manière de communiquer
choisis par le Président, me conduit à faire les commentaires suivants. Ils
trahiront mon ignorance des usages en matière de communication politique en
France. Je m'en excuse.
1) LE CONTRAIRE D'UNE
CONFÉRENCE DE PRESSE
Deux
heures et demie ! C'est beaucoup trop long, au regard de la norme américaine.
Surtout c'est trop long pour la capacité d'attention de l'électeur moyen. Même
en pleine après-midi de semaine... Si le
message des priorités d'un chef d'État ou de gouvernement ne peut pas être
résumé en moins d'une demi-heure, il y a un problème dans le message et les
priorités...
On
ne commence pas une conférence de presse par un long discours de justification.
Cinq
à dix minutes maximum, suffisent pour cadrer le message. Et surtout pour
maîtriser le message par la suite. Un
communiquant doit avant tout se préoccuper de la manière dont ce qu'il dit sera
retransmis à ceux qui ne regardent pas directement son intervention.
Plus
la communication est longue, plus la matière à des interprétations diverses est
riche. Le communiquant qui perd la maîtrise de la matière première de sa
communication perd son temps. Il passe à côté d'une occasion de recadrer le
débat public selon ses propres termes. En gros, plus on veut en dire,
moins on en dit et plus on risque de se voir faire dire ce que l'on n'a pas
dit.
C'est à l'occasion des
réponses que le Président aurait dû placer les messages qu'il voulait faire passer
dans un long discours.
2) UN PRÉSIDENT
CHOISIT ET TRANCHE
Si un Président ne
sait pas choisir dans une foule de journalistes celui qui va lui poser une
question... ça fait désordre.
Rien de pire qu'un chef, qu'un patron, qu'un leader, qu'un capitaine d'équipe
sportive, qui se montre en direct hésitant et dépassé par la tâche basique de
donner la parole à quelqu’un. Tous les spécialistes de "com" vous le
diront.
Accepter plusieurs
questions d'un coup, y compris des très longues, sur des sujets totalement
différents, pour y répondre ensuite à la queue leu leu, est anti-pédagogique.
Il
y a toujours un risque que le style de communication brouillon fasse passer le
Président pour un homme peu clair dans sa stratégie et dans sa tête.
3) LES RESPONSABLES DE
LA COMMUNICATION DE L'ÉLYSÉE SERVENT À QUOI ?
Je
ne sais rien de la manière dont l'Élysée travaille. Mais in fine, tout ce qui
relève de la communication du Président est validé par définition par le
Président. À la Maison blanche, de Reagan à Obama, jamais une telle
improvisation n'aurait été vue. La fin
de la "conférence de presse" aujourd'hui partait carrément en eau de
boudin.
François
Hollande est mal servi par cette situation. Ses alliés et amis, je l'espère
pour lui, vont lui conseiller de faire mieux la prochaine fois. Il faudrait des
règles. On appelle ça des "ground rules" à Washington.
Pas
de timing, pas de discipline, pas de recadrage des journalistes qui se laissent
aller à poser des questions précédées d'éditoriaux... Tolérance ridicule pour
des relances.
La
première question du journaliste de l'AFP: un vrai gag ! Mon collègue lisait
dans son petit livre rouge la question qu'il avait rédigée ! J'ai cru à un
sketch !
Je
vous assure qu'un journaliste qui couvre la Maison blanche, ou n'importe quelle
agence gouvernementale américaine, maîtrise autrement plus son sujet.
Autant
il est essentiel que le Président ne sache pas à l'avance ce qu'on va lui
demander. Autant il est tout aussi important que les journalistes, qui ne sont
pas triés sur le volet, respectent leur collègues, respectent le Président, et
fassent preuve eux-mêmes de discipline dans leurs questions. Des questions
dures, oui. Mais des questions courtes. Ce sont les meilleures.
Je ne résiste pas à la
tentation de vous suggérer d'aller revoir les conférences de presse de George
W. Bush, Président ouvertement méprisé en France. Vous y verriez un homme qui connaissait
tous les noms des journalistes, qui répondait avec précision aux questions, qui
plaisantait et improvisait en réaction aux questions, avec un professionnalisme
à mille lieux de ce que j'ai vu cet après-midi.
Barack
Obama, qui donne moins de conférences de presse que G.W. Bush, est lui-même
beaucoup plus discipliné dans cet exercice que son homologue français.
Un
dernier point: j'aurais pensé que Steven Erlanger, du New York Times, parlait
mieux français. Que de fautes ! Mais au moins sa question était bien vue.
Le Figaro
(posté par Marino)