Les professionnels
français de la restauration ont tiré à boulets rouges mardi sur le rapport du
député socialiste Thomas Thévenoud, qui juge que les engagements pris en
échange d'une baisse de la TVA obtenue en 2009 n'ont pas été tenus.
Toutes
les organisations d'employeurs du secteur mais aussi les syndicats, à
l'exception de la CGT, ont fait front commun lors d'une conférence de presse
dans un restaurant parisien pour alerter sur les dangers pour l'emploi d'un
retour en arrière.
Pour
eux, ce sont 100.000 emplois qui seraient menacés par la fin de cet avantage
consenti par Nicolas Sarkozy, dans lequel beaucoup avaient vu à l'époque un
cadeau électoral.
"Ce
rapport est pour nous complètement croquignolesque, fantaisiste et faux",
a déclaré Roland Héguy, président de l'Umih (Union des métiers de l'industrie
hôtelière).
Laurent
Caraux, créateur de l'enseigne El Rancho et président du SNTRC (Syndicat
national de la restauration thématique et commerciale) a dénoncé les chiffres
"complètement farfelus" du rapport présenté mardi après-midi par le
député.
Thomas
Thévenoud y estime que les restaurateurs n'ont pas tenu leurs engagements de
baisse des prix et de création d'emplois et recommande de revenir à l'ancien
taux de TVA de 19,6%, contre 7% actuellement, ou d'instaurer un taux
intermédiaire.
Présentant
ses travaux devant la presse, il a assimilé à une "hérésie
économique" le fait pour l'État de subventionner un secteur protégé de la
concurrence internationale.
"Aujourd'hui,
l'intérêt de la Nation, c'est à la fois de redresser les comptes publics et de
soutenir le secteur productif, qui perd des emplois", a-t-il dit. "Je
pense que le maintien de cette mesure est contradictoire avec ces deux
objectifs."
La
publication de ce rapport intervient alors que des consultations sont en cours
avec le ministère de l'Artisanat et du Commerce pour tirer un bilan de cette
TVA réduite.
La
ministre Sylvia Pinel, qui rendra ses conclusions le mois prochain, annonce
qu'elle poursuivra ses échanges avec les professionnels du secteur.
Elle
rappelle dans un communiqué qu'"aucune décision n'a été prise par le
gouvernement et que la concertation avec les organisations représentatives des
professionnels de la restauration doit se poursuivre jusqu'à son terme,
préalablement à toute décision".
LES SYNDICATS
SOLIDAIRES
En
attendant, les professionnels invoquent des chiffres de l'Insee pour affirmer
que leurs engagements de 2009 en matière de prix ont été tenus, à savoir une
baisse globale de 3% qui s'appuie sur une baisse plus importante de certains
produits.
De
même, ils revendiquent 53.000 créations d'emplois sur trois ans, plus que les
50.000 promises, auxquelles ils en ajoutent 30.000 sauvegardés dans un secteur
qui a détruit des postes en 2009 pour la première fois depuis très longtemps.
Le
député leur oppose le fait que, selon lui, la restauration a créé en moyenne
ces dernières années 15.000 postes, une "tendance naturelle" que la
baisse de la TVA a à peine permis de dépasser.
Il
se voit aussi reprocher par la profession d'avoir omis de comptabiliser
l'impact des avancées sociales négociées comme la prime TVA, la création d'une
mutuelle ou une nouvelle grille des salaires.
Au
bout du compte, en intégrant le supplément de cotisations sociales dû aux
nouveaux emplois, les restaurateurs parlent d'un coût net pour la collectivité
de 0,2 milliard d'euros, un chiffre à comparer au manque à gagner de 3
milliards pour le budget de l'État du fait du taux réduit de TVA.
Michel
Jeanpierre, responsable CFTC de la branche, a déclaré que les salariés étaient
solidaires des revendications du patronat "parce qu’ils y retrouvent leur
compte malgré tout".
Dejan
Terglav (Force ouvrière) a fait valoir de son côté que l'emploi et les salaires
seraient directement menacés en cas de relèvement de la TVA dans un secteur où
la refiscalisation des heures supplémentaires coûte déjà 800 euros par an aux
salariés.
Face
à ce tir de barrage, le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone est
venu au secours de Thomas Thévenoud, saluant dans un communiqué un rapport qui
"arrive au bon moment et illustre bien le courage de la majorité, de ses
représentants, à n'écarter aucun tabou."
Le
député Nouveau Centre Charles de Courson, une des rares voix de droite hostile
à la baisse de la TVA de 2009, estimant alors qu'il fallait agir pour toutes
les industries de main d'oeuvre et non pas un seul secteur, a dénoncé pour sa
part un rapport "excessif dans toutes ses composantes", avec un
diagnostic "partisan, pas assez équilibré".
Avec
Reuters