Pierre-Jean Vaillard est
né à Sète le 12 mars 1918 et mort à Paris le 17 février 1988
à l'âge de 69 ans. Chansonnier, écrivain, auteur d'aphorismes, comédien de théâtre et
de radio, il a été à l'origine avec Jacques Canetti, de la fondation,
en 1943, du théâtre des Trois-Baudets à Alger (rue Mogador).
Il
a été la tête d'affiche du Théâtre des Deux Ânes pendant plus de 30 ans. Il
a vécu les dernières années de sa vie rue de Saint-Simon (Paris VIIe).
Il est mort le 17 février 1988 et est enterré au cimetière
de Montmartre (26e division).
Pierre
Jean Vaillard était un habitué des tournées en Algérie Française où il était
très apprécié. Il y venait avec l'équipe des "Trois Baudets". Voilà
ce qu'il pensait de la culpabilité coloniale de la France, déjà avant 1962.
Fellagha
Quand
ma pensée s'en va vers l'Afrique du Nord
Je me sens,
tout d'un coup, bourrelé de remords
Que
l'Algérie soit une province française,
C'est
évident, bien sûr, bien qu'à tous ça ne plaise
Que des
hommes aient fait d'un bled qui n'était rien,
Ce beau
pays algérien
Nul ne peut
dire le contraire..
Seulement,
ces temps-ci, il faut compter, là-bas,
Avec un
mécontent, un certain fellagha.
Et, petit
fellagha, c'est à toi que je pense
En voyant
ta rancune à l'égard de la France.
J'ai
beaucoup réfléchi et ma méditation
Me décide à
venir te demander pardon.
Oui,
pardon, Fellagha, pardon pour mon grand-père
Qui vint
tracer des routes et labourer la terre.
Il est
tombé chez toi, il a tout chamboulé.
Où
poussaient des cailloux, il a foutu du blé
Et, mettant
après cela le comble de l'ignoble,
Où
poussaient des cailloux il a fait un vignoble
Pardon,
cher petit Fellagha,
Oh, pardon
de tous ces dégâts.
Et mon
affreux grand-père (il faut qu'on le confesse)
N'était pas
seul de son espèce.
Ces autres
scélérats ont bâti des cités
Ils ont
installé l'eau et l'électricité.
Et tu n'en
voulais pas, c'est la claire évidence
Puisque
avant qu'arrive la France
Tu n'avais,
en dehors de la Casbah d'Alger,
Que la
tente ou bien le gourbi pour te loger.
Et tu
t'éclairais à l'huile
Nos
maisons, bien sûr, c'était la tuile.
De
l'électricité, là encore soyons francs,
Tu ne
demandais pas qu'on te mette au courant
Tu t'es
habitué à ces choses infâmes
Mais à
regret et la mort dans l'âme
Stoïquement,
d'ailleurs, supportant ces malheurs,
Avec
courage et bonne humeur.
Mais tu
engraissais, mais de mauvaise graisse
Car tu
prenais le car, (une invention traîtresse)
Ce même car
que, pris d'un délire divin,
Tu devais,
un beau jour, pousser dans le ravin.
Je
comprends ta rancœur, je comprends ta colère,
Tu n'es pas
au niveau des Arabes du Caire
Tu gâches
et tu vis mieux qu'un fellagha égyptien.
À quoi
Nasser ... Nasser à rien
Nous avons
massacré les lions, les panthères,
Nous avons
asséché les marais millénaires.
Les
moustiques sont morts… les poux, De Profundis.
Nous avons
tout tué, jusqu'à la Syphillis.
Ah! Pardon,
Fellagha, pour tous ces carnages.
Nous avons
fait tout cela, c'est bougrement dommage.
Car si
d'autres idiots l'avaient fait, inspirés
C'est nous
qui maintenant, viendrions vous libérer,
Et bouffer
les marrons cuits pour ces imbéciles.
C'aurait
été moins long et beaucoup plus facile.
Bien
pardon, Fellagha, de t'avoir mieux nourri,
Et d'avoir
à tes pieds nus, mis (oh maladresse),
Des
souliers...
Dont tu
voudrais nous botter les fesses.
(posté
par Jacques)